Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 217
Le mardi 17 septembre 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- La sécurité publique
- Les finances
- Le patrimoine canadien
- La sécurité publique
- L’environnement et le changement climatique
- Les finances
- L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
- L’infrastructure et les collectivités
- L’emploi et le développement social
- La sécurité publique
- Les finances
- La sécurité publique
- Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton
- Les finances—La Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures
- Les finances—Air Canada
- Le Bureau du Conseil privé—Les résidences situées au lac Harrington
- Le Bureau du Conseil privé—La Direction des opérations en matière de sécurité
- Le Bureau du Conseil privé—La fonction publique
- Le Bureau du Conseil privé—Le Groupe de travail sur les services aux Canadiens
- Réponses différées à des questions orales
- Les finances
- Les relations Couronne-Autochtones
- ORDRE DU JOUR
- Les travaux du Sénat
- Recours au Règlement
- Recours au Règlement
- Le Tarif des douanes
- Projet de loi sur l’intégrité du secteur public
- Le Code criminel
- Le Sénat
- Motion tendant à reconnaître que les changements climatiques constituent une urgence—Suite du débat
- Motion tendant à autoriser une modification à la Loi constitutionnelle de 1867 (qualifications des sénateurs en matière de propriété) par proclamation de Son Excellence la gouverneure générale—Suite du débat
- Motion concernant les minimums applicables aux projets de loi du gouvernement—Suite du débat
- Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs
- Les travaux du Sénat
- Les travaux du Sénat
LE SÉNAT
Le mardi 17 septembre 2024
La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.
Prière.
Les travaux du Sénat
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, il y a eu des consultations, et il a été convenu de permettre la présence d’un photographe dans la salle du Sénat pour photographier la présentation des nouveaux sénateurs aujourd’hui.
Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
[Traduction]
Nouveaux sénateurs
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que la greffière du Sénat a reçu du registraire général du Canada des certificats établissant que les personnes suivantes ont été appelées au Sénat :
Victor Eric Boudreau
Sandor Adler
Daryl Fridhandler
Kristopher David Wells
Présentation
Son Honneur la Présidente informe le Sénat que des sénateurs attendent à la porte pour être présentés.
L’honorable sénateur suivant est présenté, puis remet les brefs de Sa Majesté l’appelant au Sénat. Le sénateur, en présence de la greffière du Sénat, prête le serment prescrit et prend son siège.
L’honorable Victor Boudreau, de Shediac, au Nouveau-Brunswick, présenté par l’honorable Marc Gold, c.p., et l’honorable Joan Kingston.
(1410)
L’honorable sénateur suivant est présenté, puis remet les brefs de Sa Majesté l’appelant au Sénat. Le sénateur, en présence de la greffière du Sénat, fait la déclaration solennelle et prend son siège.
L’honorable Charles S. Adler, de Winnipeg, au Manitoba, présenté par l’honorable Paula Simons et l’honorable Marc Gold, c.p.
L’honorable sénateur suivant est présenté, puis remet les brefs de Sa Majesté l’appelant au Sénat. Le sénateur, en présence de la greffière du Sénat, prête le serment prescrit et prend son siège.
L’honorable Daryl S. Fridhandler, de Calgary, en Alberta, présenté par l’honorable Marc Gold, c.p., et l’honorable Scott Tannas.
(1420)
L’honorable sénateur suivant est présenté, puis remet les brefs de Sa Majesté l’appelant au Sénat. Le sénateur, en présence de la greffière du Sénat, fait la déclaration solennelle et prend son siège.
L’honorable Kristopher Wells, de St. Albert, en Alberta, présenté par l’honorable Marc Gold, c.p., et l’honorable Patti LaBoucane-Benson.
Son Honneur la Présidente informe le Sénat que chacun des honorables sénateurs susmentionnés a fait et signé la déclaration des qualifications exigées prescrite par la Loi constitutionnelle de 1867, en présence de la greffière du Sénat, commissaire chargée de recevoir et d’attester cette déclaration.
Félicitations à l’occasion de leur nomination
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, au nom du bureau du représentant du gouvernement, je vous souhaite un bon retour. C’est avec grand plaisir que j’accueille chaleureusement nos nouveaux collègues au Sénat du Canada : les sénateurs Boudreau, Adler, Wells et Fridhandler.
[Français]
Sénateur Boudreau, les décennies que vous avez passées au service de votre communauté et du Nouveau-Brunswick, tant sur le plan provincial que municipal, sont vraiment impressionnantes, et il est tout à fait approprié que vous poursuiviez ce service ici, au Sénat. J’attends avec impatience la contribution et la perspective que vous apporterez à nos nombreux débats dans cette Chambre.
[Traduction]
Sénateur Adler, je suis très heureux d’accueillir au Sénat quelqu’un qui est, comme moi, Montréalais et diplômé de l’Université McGill. Vous apportez une riche expérience, puisque vous avez travaillé aux quatre coins du pays, et votre ardeur à défendre les droits de la personne sera un grand atout pour le Sénat.
Sénateur Wells, j’ai une grande admiration pour votre travail de promotion de l’égalité et de la diversité en Alberta et d’un bout à l’autre de ce grand pays. Vous êtes un défenseur de la communauté 2ELGBTQI+, et, maintenant plus que jamais, le Sénat bénéficiera de votre expertise et de votre voix dans cette enceinte.
Sénateur Fridhandler, je suis moi aussi diplômé de l’Université McGill, et c’est avec beaucoup de satisfaction que je vous souhaite la bienvenue au Sénat. Votre expérience professionnelle d’avocat, d’arbitre et, surtout, de médiateur vous sera très utile au Sénat. Compte tenu de votre vaste expérience au sein de nombreux conseils d’administration, de l’Alberta Ballet Company à la Bibliothèque publique de Calgary, je ne doute pas que vous apporterez un point de vue précieux dans cette enceinte.
En tant que nouveaux sénateurs, vous constaterez que la courbe d’apprentissage est abrupte, et le travail qui vous attend ne sera pas toujours facile. Cependant, chacun d’entre nous dans cette enceinte est passé par là, et je crois que je parle au nom de tous les sénateurs quand je dis : n’hésitez pas à demander des conseils et de l’aide à l’un d’entre nous chaque fois que vous en ressentez le besoin.
Je me réjouis à la perspective de travailler avec vous tous dans les semaines et les mois qui viennent. Encore une fois, au nom du bureau du représentant du gouvernement, je vous souhaite la bienvenue, chers collègues, au Sénat du Canada.
(1430)
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole dans cette enceinte au nom de l’opposition afin de souhaiter la bienvenue à nos nouveaux collègues, qui ont prêté serment il y a quelques minutes à peine.
Sénateur Victor Boudreau, du Nouveau-Brunswick; sénateur Charles Adler, de ma province natale, le Manitoba; sénateur Daryl Fridhandler et sénateur Kristopher Wells, qui sont tous deux de l’Alberta, bienvenue au Sénat du Canada. En prenant votre siège pour la première fois, il est possible que vous trouviez la situation irréelle tandis que vous vous adaptez à votre nouvel environnement. D’une part, vous vous sentez fiers d’avoir une occasion aussi incroyable de servir votre pays. D’autre part, vous vous sentez reconnaissants d’avoir été choisis.
J’aimerais souligner un point, chers collègues. Vous avez été choisis par le premier ministre qui vous a nommé. En fait, 76 des 99 sénateurs actuels ont été nommés par Justin Trudeau. Depuis neuf longues années, on nous répète que le Sénat de Trudeau est censé être plus indépendant qu’auparavant. Je ne vois pas comment une institution qui est déjà indépendante peut le devenir davantage parce qu’une personne le prétend.
Chers collègues, alors que nous vous accueillons dans la famille du Sénat, regardons les choses en face : le Sénat a toujours été une Chambre indépendante parce que tous les sénateurs sont indépendants. Le Sénat a toujours été une Chambre indépendante parce qu’il tire son indépendance de l’article 18 de la Constitution et non du bon vouloir du premier ministre. L’indépendance du Sénat n’a pas été créée le jour où Justin Trudeau a expulsé ses sénateurs libéraux de son caucus. L’indépendance des sénateurs provient du fait que tous les sénateurs sont nommés jusqu’à l’âge de 75 ans.
On a entendu des allégations assez incroyables de la part du premier ministre Trudeau au sujet des prétendues réformes et améliorations qu’il a apportées au Sénat, mais ces mêmes allégations sont contredites par les faits suivants : le Sénat de Trudeau coûte plus cher que jamais; le Sénat de Trudeau travaille moins qu’avant et ses comités produisent des études et des rapports de moindre utilité; les sénateurs nommés par Trudeau soutiennent le gouvernement et appuient 96 % des votes en sa faveur; le comité consultatif du Sénat de Trudeau est plus coûteux, en plus d’avoir fait preuve de négligence pour assurer un processus de vérification en bonne et due forme des candidats proposés. Au bout du compte, le premier ministre Trudeau nomme les sénateurs de son choix. Le Calgary Herald a récemment souligné que le premier ministre Trudeau choisi ses sénateurs parmi les personnes qui ont « [...] déjà été actifs au sein du Parti libéral fédéral », alors que le National Post a souligné que M. Trudeau est revenu sur sa promesse en nommant un agent de financement du parti — et le fait que le premier ministre Trudeau a préféré procéder à deux nominations partisanes au lieu de reconnaître le mandat électoral d’aspirants sénateurs. Cela montre non seulement son penchant pour les jeux politiques — autrement dit, la partisanerie —, mais ses décisions témoignent également de son mépris pour les intérêts des Albertains qui, en 2021, ont voté et élu trois nouveaux aspirants sénateurs.
En réalité, chers collègues, c’est que la partisanerie est une bonne chose. Ne soyons pas de mauvaise foi à ce sujet. Laissons tomber le discours du premier ministre au sujet du Sénat. Les conservateurs ne se font pas d’illusions et, bien franchement, les Canadiens ne sont pas assez naïfs pour croire que vous avez été nommés pour autre chose que faire avancer le programme libéral, tout comme j’ai été nommé il y a 15 ans, le 15 septembre 2009, pour faire avancer le programme conservateur.
Chers collègues, ceci n’est pas une « Chambre de second examen enivré ». Il s’agit d’une Chambre pouvant offrir de l’espoir aux Canadiens lorsqu’ils en ont le plus besoin. Par conséquent, j’espère que nous exercerons tous nos responsabilités avec intégrité, afin que l’ensemble de nos opinions et de nos points de vue assurent un avenir meilleur à tous les Canadiens. Je vous remercie.
[Français]
L’honorable Raymonde Saint-Germain : Madame la Présidente, chers collègues, mon discours sera un véritable discours de bienvenue.
En effet, en cette journée de rentrée parlementaire, c’est avec plaisir que je vous retrouve tous. J’ai le privilège, au nom du Groupe des sénateurs indépendants, d’accueillir dans cette Chambre quatre nouveaux collègues.
[Traduction]
Le temps dont je dispose aujourd’hui ne me permettra que d’effleurer les grandes réalisations et réussites qui vous ont conduits jusqu’à cette Chambre. J’ai été frappée par votre volonté à servir l’intérêt public, que ce soit dans des fonctions d’élus, dans le milieu universitaire, dans le domaine de la santé, dans votre implication communautaire ou dans les médias. Je suis heureuse que vous ayez tous choisi de poursuivre en ce sens en vous joignant au Sénat du Canada.
[Français]
Sénateur Boudreau, vous êtes l’incarnation du dévouement au service public, comme en témoignent de façon remarquable vos plus de 30 années de service auprès de la population du Nouveau-Brunswick et de la francophonie, canadienne comme internationale.
Vos qualités de parlementaire ainsi que votre expérience en gouvernance provinciale et municipale sont des atouts de taille pour le futur de nos délibérations et de nos travaux. Je suis persuadée que pour un parlementaire aussi chevronné que vous, la transition à vos nouvelles fonctions sur le plan fédéral se fera avec grande aisance tout en ayant le plaisir de découvrir, disons, une certaine subtilité dans les règles et pratiques du Sénat, dont certaines datent de 1868!
[Traduction]
Sénateur Adler, que puis-je dire qui n’ait pas encore été dit au sujet de votre nomination? Nous ne sommes pas habitués à ce qu’une personne nommée au Sénat reçoive autant d’attention, mais je pense que cela témoigne du succès que vous avez eu dans votre carrière publique. Vous vous êtes qualifié de conteur, ce qui m’a amenée à réfléchir à ce qu’est une bonne histoire au Sénat du Canada. Selon moi, il s’agit d’une enquête rigoureuse, impartiale, fondée sur des faits et bien documentée, mais pas nécessairement sensationnaliste. J’ai hâte que vous contribuiez à ces histoires.
Sénateur Fridhandler, nous sommes vraiment heureux d’accueillir un avocat et juriste aussi exceptionnel que vous au Sénat. Le travail des parlementaires est varié et comporte de multiples facettes, mais pouvoir compter sur l’expertise de nos collègues juristes est toujours inestimable. Je suis heureuse que nous puissions désormais compter sur la vôtre. Toute votre vie, vous avez été profondément impliqué dans des conseils d’administration de votre ville, Calgary, et de toute l’Alberta, et je suis heureuse de voir qu’ils ont un nouveau champion au Sénat.
Sénateur Kristopher Wells, c’est formidable d’avoir au Sénat un autre ardent défenseur des droits de la personne et de la communauté 2ELGBTQI+. Votre expérience en tant qu’universitaire et éducateur sera précieuse dans le cadre de nos délibérations. Dans une entrevue récente, vous avez déclaré ceci :
[...] la société que nous avons, c’est celle que nous sommes prêts à bâtir. Cela signifie que nous devons agir et proposer des solutions, au lieu de nous contenter de toujours signaler les problèmes et les défis.
Cela me donne l’assurance que votre travail au Sénat sera efficace, engagé et axé sur la collaboration. J’ai hâte de travailler à vos côtés et de voir votre contribution à cette assemblée.
À compter de maintenant, vous pouvez compter sur vos collègues du Groupe des sénateurs indépendants pour travailler à vos côtés dans un esprit de collaboration et de collégialité. Je vous souhaite à tous chaleureusement la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, au nom de mes collègues du Groupe des sénateurs canadiens, je souhaite la bienvenue au Sénat aux sénateurs Victor Boudreau, Charles Adler, Daryl Fridhandler et Kristopher Wells. L’une des grandes forces du Sénat est d’attirer une plus grande diversité de professions que nos collègues de l’autre endroit. Aujourd’hui, nous accueillons quatre personnes ayant des expériences et des carrières professionnelles variées. Le sénateur Boudreau a été administrateur, directeur du marketing, législateur provincial et cadre supérieur. Le sénateur Alder a été journaliste, commentateur et animateur à la radio. Le sénateur Fridhandler est avocat, arbitre, médiateur et homme d’affaires. Enfin, le sénateur Wells a été un éducateur et un ardent défenseur des droits de la personne.
Il y a toute une variété d’antécédents. Parmi les 1 014 sénateurs qui ont été nommés au Sénat jusqu’à présent dans l’histoire de notre pays, il y a toujours eu une grande diversité d’expériences. Certaines professions sont couramment représentées dans cette enceinte. Il y a des avocats — ô surprise —, des agriculteurs, des enseignants, des médecins et des gens d’affaires.
(1440)
En ce moment, le fait d’avoir plusieurs médecins parmi nous s’avère très utile lorsqu’il est question de politique de santé. Comme des événements récents nous l’ont montré, leur présence est salutaire en cas d’urgence médicale. La liste des anciens médecins comprend toutefois plusieurs médecins légistes, dont tous les sénateurs espèrent se tenir éloignés le plus longtemps possible.
Si l’on considère les origines du pays, le Sénat a compté 32 marchands de bois parmi ses membres, mais seulement deux commerçants de fourrure. Notre histoire comprend plusieurs sénateurs meuniers — plus que ce à quoi on s’attendrait, en fait. Je suis heureux de vous informer que quelques cadres du domaine de l’assurance, comme moi, ont servi au Sénat, le premier ayant été nommé en 1892.
Selon la base de données de la Bibliothèque du Parlement, il y a eu seulement trois courtiers immobiliers, dont la sénatrice Ataullahjan. Il y a eu deux distillateurs et un brasseur, mais pas de viticulteur, ce qui devrait être corrigé sans délai. Sur ces bancs ont pris place des musiciens, des artistes, des acteurs, des scénaristes, des sportifs de haut niveau — amateurs et professionnels — et des entraîneurs. Certains sénateurs ont même été membres du clergé. D’autres ont été des gens de métier, et mon collègue le sénateur Plett serait probablement d’accord avec moi pour dire qu’ils devraient être plus nombreux. Ce que je veux dire, c’est que les antécédents professionnels des sénateurs sont très diversifiés, ce qui est une grande force, et une chose qui n’est pas vraiment connue du public.
Voici mon message à nos nouveaux collègues : j’espère vous voir mettre à contribution votre savoir, votre expérience, votre savoir-faire et votre point de vue dans vos interventions dans cette enceinte et aux comités. Ne vous retenez pas. Certains disent que le débat politique est parfois toxique de nos jours. Nous devrions nous inspirer de l’honorable James Arthurs, de l’honorable Gustave Benjamin Boyer et de l’honorable Robert William Gladstone, qui considéraient que leur occupation était tout simplement celle de gentlemen. Au Sénat, nous devrions tous nous efforcer d’être des hommes et des femmes de bien. Sénateurs Boudreau, Adler, Fridhandler et Wells, bienvenue au Sénat.
Des voix : Bravo!
[Français]
L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénatrices et sénateurs, l’une des parties les plus agréables de ma fonction de leader du Groupe progressiste du Sénat est d’accueillir de nouveaux membres dans cette Chambre. Aujourd’hui est un jour faste, puisqu’il marque l’arrivée de quatre collègues aux parcours très différents, qui sont tous désireux de participer à nos travaux.
Comme je suis le cinquième à prendre la parole aujourd’hui, j’espère ne pas trop répéter de choses qui ont été dites. Cependant, si tel est le cas, je vous prie de m’en excuser.
L’honorable Victor Boudreau est un fier Acadien qui a consacré pas moins de 30 ans au service de la population du Nouveau-Brunswick. Son parcours comme adjoint d’un député fédéral, député provincial, ministre et maintenant membre actif de nombreuses organisations communautaires et associations fait de lui un homme bien au fait des réalités de l’Acadie, du Nouveau-Brunswick et des besoins des citoyens de cette belle région du pays. Il pourra partager ses connaissances avec nous sans s’inquiéter.
[Traduction]
Vous n’avez pas à craindre les accidents de parcours, comme vous l’avez dit lorsque vous avez quitté le Cabinet en 2017.
L’honorable Charles Adler, de Winnipeg, est né en Hongrie, fils d’un survivant de l’Holocauste. Sa famille a immigré à Montréal, où il a commencé une carrière de radiodiffuseur qui l’a amené à vivre dans plusieurs villes du pays. Au fil du temps, il est devenu un commentateur influent sur de nombreux sujets. Nous sommes tous curieux de voir comment il abordera son nouveau rôle. Je me demande si, dans son cas, nous devons nous attendre à quelques accidents de parcours. Plus sérieusement, si par le passé vous vous êtes montré plutôt critique à l’égard de cet endroit, vous aurez désormais l’occasion de contribuer à son amélioration constante au profit de tous les Canadiens.
L’honorable Daryl Fridhandler est un Canadien qui a des racines un peu partout au pays. Né à Montréal, il a grandi en Nouvelle-Écosse. Il a fréquenté trois universités canadiennes : l’Université McGill, l’Université de Moncton et la Faculté de droit de l’Université Dalhousie. En 1983, il s’est installé à Calgary pour pratiquer le droit, et le cabinet d’avocats qu’il a rejoint à l’époque est toujours celui où il travaille aujourd’hui, dans le domaine du droit des valeurs mobilières et du droit des affaires. En plus de son travail de juriste, il a été fondateur, directeur et investisseur pour de nombreuses jeunes entreprises. Enfin, il a réussi à trouver le temps de participer aux activités d’organisations commerciales, culturelles et politiques, tant au niveau provincial que fédéral. Avec un tel parcours, on peut dire qu’il y aura beaucoup de comités du Sénat où il se sentira rapidement à l’aise.
Enfin, l’honorable Kristopher Wells vient aussi de l’Alberta mais de l’autre grande ville, Edmonton, où est établie l’équipe des Oilers, qui a fait la fierté de tous les Canadiens en juin dernier. M. Wells, professeur et chercheur réputé dans le monde entier, est spécialiste des questions liées à la diversité sexuelle et de genre. Comme il a œuvré à la promotion de la diversité, de l’égalité et des droits de la personne dans sa province et partout au Canada, il sera très bien placé pour travailler sur ces dossiers ici au Sénat. Pour revenir au hockey, je le félicite d’avoir participé à l’initiative du ruban de la fierté, qui a été adoptée par toutes les équipes de la Ligue nationale de hockey.
En conclusion, chers nouveaux collègues, bienvenue au Sénat. Soyez assurés que les sénateurs indépendants du Groupe progressiste du Sénat ont hâte de travailler avec vous. Bienvenue parmi nous.
Des voix : Bravo!
[Français]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Michelle Arsenault, épouse de l’honorable sénateur Boudreau, de leurs filles, Gabrielle et Dominique, ainsi que de ses parents, Vicky Jefferies et Paul Boudreau. Ils sont accompagnés d’autres membres de la famille et d’amis de l’honorable sénateur Boudreau.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Jaqueline Adler, épouse de l’honorable sénateur Adler, et de Michael Kowalson, ami de l’honorable sénateur Adler.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Ellen Fridhandler, épouse de l’honorable sénateur Fridhandler, et de leur fille Rachel. Elles sont accompagnées de Sheryl Simon et Jordan Simon, Arnie Fridhandler, Rachael Wolf Fridhandler, Eli Fridhandler et d’autres membres de la famille de l’honorable sénateur Fridhandler.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Cheryl Wells, Arthur Wells, Heather Wells, Phil Wells et Lori Miller-Wells, membres de la famille de l’honorable sénateur K. Wells.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
Visiteurs de marque à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de nos anciens collègues, l’honorable Percy Mockler et l’honorable Dennis Dawson.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je suis heureuse de vous revoir au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
(1450)
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le décès de l’honorable Charles (Chuck) Strahl
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, le mois dernier, le Canada a perdu un grand homme. Chuck Strahl a servi la Chambre des communes pendant plus de 17 ans en faisant preuve d’une intégrité sans faille et en représentant avec fierté la population de la vallée du bas Fraser, en Colombie-Britannique. Il manquera énormément à tous ceux qui l’ont connu.
Élu pour la première fois comme député réformiste en 1993, Chuck a compris qu’il fallait un parti conservateur national fort et a contribué de façon importante à réunir nos deux anciens partis. En 2004, il a été nommé vice-président de la Chambre et président des comités pléniers à l’autre endroit, signe du respect et de l’admiration qu’il inspirait à ses collègues de toutes allégeances à la Chambre.
Dans son bulletin périodique du 22 août 2005, Chuck a annoncé une terrible nouvelle personnelle aux gens de sa circonscription. Après les deux affaissements pulmonaires dont il avait souffert pendant l’été, les médecins ont découvert dans sa membrane pulmonaire un cancer probablement causé par l’exposition à l’amiante lorsqu’il travaillait comme bûcheron dans sa jeunesse. Voici ce qu’il a dit aux gens de sa circonscription :
Le cancer est une maladie grave, mais ceux d’entre nous qui ont reçu ce diagnostic ne sont pas pressés de quitter le terrain de jeu et de rester sur la touche.
Chuck a décidé de rester dans la politique fédérale, et le Canada s’en porte mieux. Il a été réélu deux fois et est devenu le premier à occuper le poste de ministre de l’Agriculture dans le gouvernement conservateur du premier ministre Stephen Harper, et il a donné un choix pour la commercialisation aux producteurs d’orge de l’Ouest. En tant que ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, il a signé les excuses historiques présentées par le premier ministre Harper aux anciens élèves des pensionnats autochtones. Le mois dernier, la Fédération Métisse du Manitoba s’est souvenue de Chuck :
[...] comme un homme qui croyait en notre cause et nous incluait dans les discussions, à un moment de notre histoire où très peu de politiciens fédéraux avaient les connaissances et l’éducation nécessaires pour comprendre le rôle unique de notre nation dans l’histoire du Canada [...]
Après avoir assumé son dernier portefeuille ministériel en tant que ministre des Transports, Chuck s’est retiré de la vie politique en 2011, mais il est resté une voix respectée au sein de notre parti et de notre pays.
Chuck nous manquera pour de nombreuses raisons : sa gentillesse et sa décence, son humilité, sa positivité sans faille et son merveilleux sens de l’humour. Chuck parlait d’une voix de baryton caractéristique, qu’il mettait à profit en chantant dans un quatuor de figaros avec des collègues conservateurs, notamment un autre membre du caucus qui nous a quittés trop tôt en raison d’un cancer : Mark Warawa.
Lorsque Chuck a révélé son diagnostic de cancer il y a 19 ans, il a écrit ces mots :
Je ne peux tout simplement pas être amer parce que Deb et moi recevons toutes sortes de témoignages d’amour de beaucoup de gens, et nous sommes très heureux de pouvoir nous appuyer sur notre foi chrétienne sincère et inébranlable. Tout ira pour le mieux.
Honorables sénateurs, j’espère que les membres de sa famille continuent de faire appel à leur foi profonde en cette période de grande tristesse. Au nom du caucus conservateur au Sénat, j’exprime nos plus sincères condoléances à l’épouse de Chuck depuis près de 50 ans, Debby, et à leurs quatre enfants, Karina, Loni, Kyla et Mark, qui a suivi les traces de son père en devenant député conservateur en Colombie-Britannique.
Que Dieu accorde à Chuck la paix éternelle. Jusqu’à ce que nous nous revoyions.
Des voix : Bravo!
[Français]
Le Congrès mondial acadien de 2024
L’honorable René Cormier : Chers collègues, tous les cinq ans depuis 1994 a lieu le Congrès mondial acadien, un événement international permettant de célébrer la résilience, l’imagination et l’ingéniosité du peuple acadien.
Grâce à des conférences, des rencontres familiales et des manifestations culturelles, ces congrès nous offrent l’occasion de célébrer l’existence d’un des peuples francophones du Canada tout en lui permettant de réfléchir et d’imaginer son avenir.
Cet événement phare rassemble dans une ambiance à la fois réflexive et festive la diaspora acadienne issue de différents territoires dans le monde.
[Traduction]
Au cours des 30 dernières années, que ce soit au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard, au Québec ou dans les États de la Louisiane et du Maine, les congrès mondiaux acadiens ont façonné le tissu économique, culturel et social des collectivités où ils ont été tenus. Les régions acadiennes de Clare et Argyle, en Nouvelle-Écosse, qui ont organisé le Congrès mondial acadien en août dernier, ne font pas exception. Les retombées économiques de cet événement sur la région sont estimées à 20 millions de dollars.
[Français]
Le congrès de 2024 a été l’occasion pour des milliers d’Acadiens et amis du peuple acadien d’assister à des rencontres inspirantes, comme celle de l’artiste cajun remarquable qu’est Zachary Richard, de participer au fameux défilé du Tintamarre et de ressortir de cet événement avec un sentiment renouvelé d’espoir et de solidarité envers l’avenir du peuple acadien et de sa langue commune, le français.
[Traduction]
Le Congrès mondial acadien 2024 était toutefois loin de s’arrêter là pour nous, les parlementaires. Avec plusieurs collègues acadiens de différents partis politiques et groupes parlementaires des deux Chambres, nous avons tiré parti de ce grand rassemblement pour mener une consultation auprès de la société civile acadienne. L’objectif était de réfléchir à la place du peuple acadien dans la fédération canadienne et à ce qui pourrait être fait pour qu’il soit mieux outillé, jouisse d’une meilleure reconnaissance et soit en mesure de contribuer à son essor et à celui du Canada.
[Français]
Dans une optique transpartisane, nous avons offert un atelier lors duquel des chercheurs ont présenté une analyse rigoureuse et visionnaire de la situation du peuple acadien et de son avenir.
Je remercie les députés Stéphane Bergeron et René Arseneault de leur présence à cet atelier, de même que les députés Chris d’Entremont et Darrell Samson et notre collègue l’honorable Réjean Aucoin de leur contribution remarquable à l’organisation de cet événement, qui a reçu des échos très favorables en Acadie et dans la francophonie.
Chers collègues, il reste encore beaucoup à faire pour que ce peuple francophone d’Amérique, qui n’est à peu près jamais nommé dans les textes constitutionnels et législatifs fédéraux, soit pleinement reconnu et doté de tous les instruments assurant son épanouissement.
Cela dit, en saluant aujourd’hui l’arrivée dans cette Chambre de mon compatriote l’honorable Victor Boudreau et en applaudissant l’acteur acadien Robin-Joël Cool pour le prix prestigieux qu’il vient de recevoir à la soirée des prix Gémeaux, c’est avec conviction et détermination que je continuerai de porter haut et fort les intérêts du peuple acadien et de toutes les minorités dans cette enceinte, tout en vous souhaitant, chers collègues, une rentrée parlementaire à la hauteur de vos aspirations.
Merci, meegwetch.
[Traduction]
Le Mois de la sensibilisation au cancer infantile
L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner que septembre est le Mois de la sensibilisation au cancer infantile, une période qui sert à attirer l’attention sur les membres les plus jeunes et les plus vulnérables de notre société qui luttent courageusement contre le cancer, une période qui sert à nous sensibiliser, à rendre hommage aux enfants et aux familles qui sont touchés par le cancer infantile et à militer en faveur du maintien des programmes de recherche et de soutien.
Chaque année, quelque 1 500 enfants reçoivent un diagnostic de cancer au Canada. Il s’agit de l’une des principales causes pathologiques de décès chez les enfants canadiens qui ne sont plus des nourrissons. Malgré les importantes percées effectuées en ce qui a trait aux traitements, de nombreux cancers infantiles demeurent incurables, et le diagnostic marque souvent le début d’un long et pénible parcours. Les familles sont plongées dans un monde d’incertitude, de peur et d’épreuves inimaginables. Je suis convaincu que certains, voire bon nombre d’entre vous peuvent comprendre ces sentiments.
Le Mois de la sensibilisation au cancer infantile est symbolisé par le ruban doré, représentant le caractère précieux des enfants et la résilience qu’ils manifestent. Je prends la parole aujourd’hui pour vous demander de vous joindre à moi pour appuyer cette initiative et sensibiliser la population en portant l’épinglette dorée que j’ai fait parvenir à chacun de vous, à votre bureau. En ce mois de septembre, unissons-nous pour appuyer ces enfants courageux, leur famille ainsi que les professionnels de la santé qui travaillent sans relâche à prodiguer des soins et à alimenter l’espoir.
C’est aussi l’occasion de reconnaître les besoins criants de recherche soutenue. La recherche sur les cancers pédiatriques est essentielle, mais elle est toujours sous-financée comparativement à la recherche sur le cancer chez les adultes. Accroître notre engagement envers la recherche nous permettrait non seulement d’améliorer les taux de survie, mais aussi d’améliorer la qualité de vie des survivants.
Les organisations et les organismes caritatifs de tout le pays jouent un rôle essentiel dans la prestation de services de soutien aux jeunes, et ils méritent eux aussi d’être reconnus et soutenus. Childcan, par exemple, est une organisation qui se consacre au soutien émotionnel et à l’aide sociale et financière des familles dont un enfant doit suivre des traitements contre le cancer. C’est cette organisation qui a fourni les épinglettes que vous avez reçues chers collègues.
Honorables sénateurs, profitons du Mois de la sensibilisation au cancer infantile pour réfléchir à l’impact de cette maladie dévastatrice et pour renouveler notre engagement à changer la vie des gens. Ensemble, nous pouvons soutenir les personnes qui ont le plus besoin d’aide et travailler à l’avènement d’un avenir où aucun enfant n’a à affronter le cancer.
Merci, meegwetch.
Des voix : Bravo!
La prestation canadienne pour les personnes handicapées
L’honorable Andrew Cardozo : Merci, sénateur Black, d’avoir parlé du cancer infantile. Je porte le ruban doré avec fierté, comme bien d’autres de nos collègues aujourd’hui.
(1500)
Chers collègues, au retour de la pause estivale, je souhaite revenir sur un sujet que de nombreux sénateurs et moi avons soulevé à plusieurs reprises au cours des derniers mois : la prestation canadienne pour les personnes handicapées. Le Parlement a adopté la Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées en juin dernier.
[Français]
Il s’agit de la Loi visant à réduire la pauvreté et à renforcer la sécurité financière des personnes handicapées par l’établissement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées et apportant une modification corrélative à la Loi de l’impôt sur le revenu.
[Traduction]
Voici une partie essentielle du préambule de la loi :
qu’il reconnaît, suivant le principe du « rien ne doit se faire sans nous », l’importance d’établir un dialogue avec la communauté des personnes handicapées dans l’élaboration de mesures de soutien qui leur sont destinées, conformément à la Loi canadienne sur l’accessibilité, laquelle précise qu’elles « doivent participer à l’élaboration et à la conception des lois, des politiques, des programmes, des services et des structures »;
J’ai lu cette section parce que ce qui a suivi ne s’est pas déroulé comme prévu. L’annonce des détails dans le budget printanier a été pour le moins décevante. J’encourage donc le gouvernement à repenser cette annonce, à augmenter le montant dérisoire de 200 $ par mois, à commencer à verser les paiements au début de 2025 plutôt qu’à la fin de l’année prochaine et à faire une telle annonce dans l’énoncé économique de l’automne.
Le gouvernement a pris de nombreuses autres mesures pour réduire la pauvreté. Dans sa forme actuelle, la prestation n’aura que peu d’effet sur le taux de pauvreté des Canadiens handicapés. Le Canada peut et doit faire mieux.
[Français]
Les saumons de la Mitis
L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, le Centre national des arts (CNA) présentera ce soir à Ottawa une version symphonique d’une œuvre de Christine Beaulieu, Les saumons de la Mitis, avec l’Orchestre du CNA, dirigé par le chef Alexander Shelley.
Dans cette fable écologique, l’autrice invite le public à se mettre dans la peau des saumons sauvages pour découvrir leur impressionnant parcours et imaginer leur réalité transformée par l’humain. Rappelons que les Jardins de Métis ont accueilli ce spectacle en 2021 et 2022, un spectacle produit par M. Legris, qui est parmi nous aujourd’hui. Ces spectacles ont été un succès.
À la fin de la représentation de ce soir, le public sera convié à une conversation sur la scène de la salle Southam, animée par le directeur artistique du Théâtre français du CNA. L’architecte Pierre Thibault et le comédien Roy Dupuis, cofondateur de la Fondation Rivières, participeront également à la discussion.
Comme vous le savez, le saumon atlantique est menacé. Dans l’Est-du-Québec, les montaisons sont en fort déclin depuis deux ans et on peut s’attendre au pire pour l’avenir de cette espèce, puisque les juvéniles ne sont pas au rendez-vous. Le réchauffement de la surface des eaux du golfe du Saint-Laurent expliquerait en partie le problème. Toutefois, des efforts supplémentaires en matière de recherche sont nécessaires pour mieux comprendre le phénomène.
Indéniablement, le spectacle Les saumons de la Mitis est criant d’actualité. Le sort des humains et des saumons est intimement lié face aux changements climatiques. Nous devrons nous adapter ou périr.
À titre de législateurs, nous avons le devoir d’exiger des politiques publiques basées sur la science. Il est crucial de mieux comprendre les mécanismes qui menacent le saumon de la Mitis et le saumon atlantique pour mieux comprendre où va l’espèce humaine. Merci. Meegwetch.
[Traduction]
L’honorable Lillian Eva Quan Dyck, O.C.
Félicitations à l’occasion de sa nomination à l’Ordre du Canada
L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, j’aimerais vous faire part de bonnes nouvelles concernant notre ancienne collègue, l’honorable Lillian Eva Quan Dyck.
Même si Lillian a pris sa retraite en août 2020, elle continue d’accumuler les prix et les éloges. Par exemple, en octobre 2022, elle a été nommée membre de l’Ordre du Canada, et il y a un mois exactement, Lillian Dyck a reçu le prix Chinese Canadian Legend, tout comme l’ancienne gouverneure générale Adrienne Clarkson d’ailleurs ainsi qu’une poignée d’autres Canadiens d’origine chinoise exceptionnels de partout au pays. J’ai eu l’honneur de recevoir le prix en son nom à un banquet qui avait lieu à Toronto, le 17 août..
Lillian a dédié le prix à son père, Quan Leen Yok, de qui découlent ses origines chinoises. Par contre, sa mère était crie, de la Première Nation George Gordon, en Saskatchewan. Les circonstances qui ont mené à un mariage entre une femme autochtone et un homme chinois sont, d’une part, dignes d’un roman d’amour, mais d’autre part, nous rappellent cruellement les difficultés auxquelles les Autochtones et les Chinois étaient confrontés dans la première moitié du XXe siècle.
Lillian a grandi en pensant qu’elle était purement d’origine chinoise parce que sa mère, une survivante des pensionnats, ne voulait pas accabler sa fille du fardeau de savoir qu’elle était autochtone et voulait lui éviter d’avoir à subir les préjugés entourant cette ascendance.
Les Chinois, cependant, n’avaient rien d’une classe privilégiée au milieu du siècle dernier. En fait, pendant les 22 années qui ont précédé la naissance de Lillian, en 1945, il n’y a eu pratiquement aucune immigration chinoise au Canada en raison de la loi sur l’exclusion des Chinois de 1923. Malgré cela, la mère de Lillian a jugé que la misère d’être Chinois au Canada valait mieux que la misère d’être Autochtone. C’est un triste constat sur l’état des choses au Canada à l’époque, mais aussi, à certains égards, un constat inspirant en ce sens où de nombreux immigrants chinois au Canada ont trouvé la solidarité, l’aide, l’amitié et, en fait, l’amour auprès de leurs frères et sœurs des Premières Nations.
Lillian a fini par découvrir ses racines cries et a appris à embrasser ses origines autochtones avec enthousiasme. Parmi ses nombreuses réalisations en tant que sénatrice, on se souvient de ses longs états de services à titre de présidente du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, qui a produit de nombreuses études révolutionnaires sous sa direction. Elle a fait tout cela sans tourner le dos à ses racines chinoises.
Il y a quelques années, elle a fait un pèlerinage au Guangdong pour visiter le lieu de naissance de son père et la maison ancestrale. Elle m’a dit que la maison serait encore dans la famille si son père était retourné en Chine, peut-être avec elle. Imaginons un univers parallèle où Lillian Dyck se déchaînerait sur la Chine de l’après-révolution. Ce scénario ferait un excellent film.
Nous avons par contre le film Café Daughter, sorti l’an dernier, qui a été adapté d’une pièce sur son enfance, écrite par Kenneth Williams. Cette pièce a été jouée à maintes reprises au pays. Si vous souhaitez célébrer la dernière réalisation de notre ancienne collègue et comprendre comment elle en est arrivée là contre vents et marées, je vous suggère de visionner Café Daughter. On peut le faire gratuitement sur CBC Gem.
Félicitations, Lillian.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
Le Sénat
Le Règlement du Sénat du Canada—Dépôt de l’édition de septembre 2024
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le Règlement du Sénat du Canada en date de septembre 2024.
Cette édition inclut l’index préparé par la greffière du Sénat. Les pages pourront fournir sur demande des copies aux honorables sénateurs et des copies seront distribuées aux bureaux des honorables sénateurs dès que possible. La version en ligne est à jour.
[Traduction]
L’étude sur les obligations découlant des traités et les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis
Dépôt du vingtième rapport du Comité des peuples autochtones auprès de la greffière pendant l’ajournement du Sénat
L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 3 mars 2022 et le 7 juin 2023, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a déposé auprès de la greffière du Sénat, le 25 juillet 2024, son vingtième rapport (provisoire) intitulé Archives manquantes, enfants disparus. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.
(Sur la motion du sénateur Francis, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
(1510)
PÉRIODE DES QUESTIONS
La sécurité publique
Le programme de rachat d’armes à feu
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, en mars, j’ai reçu une réponse à l’une de mes questions inscrites au Feuilleton et portant sur le fameux programme de rachat d’armes à feu. Cette réponse a révélé que l’incompétent gouvernement néo-démocrate—libéral a consacré plus de 41,9 millions de dollars à ce programme, alors qu’il n’a même pas encore été lancé.
J’ai récemment reçu une réponse à une autre de mes questions concernant le coût actuel de ce gâchis. La réponse indique que Sécurité publique Canada a maintenant dépensé 56,1 millions de dollars sur ce programme. La GRC, elle, a dépensé un peu plus de 11 millions de dollars. Monsieur le leader, cela représente un coût total de 67,2 millions de dollars. Or, cette initiative n’en vaut absolument pas le coût.
Comment peut-on dépenser autant pour un programme de confiscation des armes à feu qui n’a pas encore été mis en place? Y a-t-il quelqu’un de sensé au sein du gouvernement néo-démocrate—libéral qui mettra fin à ce gaspillage?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie, sénateur Plett. Je reprends mon rôle avec plaisir.
L’important, quand il est question du programme de rachat d’armes à feu, c’est de faire les choses correctement. Il s’agit d’une mesure importante, qui joue un rôle central dans le plan du gouvernement pour lutter contre la violence commise au moyen d’une arme à feu. On déploie tous les efforts possibles afin de lancer ce programme dans les prochains mois. Il portera notamment sur des armes qui ont été employées dans certaines des fusillades les plus meurtrières à survenir au Canada ou ailleurs dans le monde, comme l’AR-15.
Je le répète : cela fait partie du plan du gouvernement visant à réduire les conséquences de la violence inutile et tragique qui est commise au moyen d’une arme à feu. Il est important de faire les choses correctement.
Le sénateur Plett : Il faudrait évidemment faire les choses correctement, c’est évident. Le gouvernement néo-démocrate—libéral actuel, coûteux et incompétent, ne respecte aucunement les contribuables ni les propriétaires d’armes à feu respectueux des lois. Il a toutefois beaucoup d’estime pour les consultants externes qui tentent de tout régler comme il faut. Sur les 67 millions de dollars dépensés à ce jour, 11,5 millions sont allés à des consultants. Monsieur le leader, cela ne montre-t-il pas, une fois de plus, qu’il est temps que ce gouvernement tire sa révérence?
Le sénateur Gold : Non. Pour donner une réponse brève, non. D’ailleurs, je vous encouragerais à mettre à jour les notes que vous utilisez pour vos discours, car votre façon de décrire le gouvernement a toujours été erronée, et elle l’est encore plus maintenant.
Les finances
La nomination d’un conseiller financier
L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, votre futur chef, Mark Carney, vient d’être embauché comme conseiller financier de Justin Trudeau, mais il n’est pas membre du Cabinet et il n’a même pas été nommé au Conseil privé. Il a été embauché par le Parti libéral du Canada. C’est extrêmement préoccupant, parce qu’il n’est ainsi pas assujetti à la Loi sur les conflits d’intérêts. Bon, Justin Trudeau ne considère pas y être soumis non plus, mais cette situation soulève la question des allégeances de M. Carney. Est-il loyal envers les Canadiens ou envers le Parti libéral? Est-il plutôt loyal envers les conseils d’administration dont il est membre, puisqu’il a l’obligation fiduciaire de servir leurs intérêts d’abord?
Envers qui est-il loyal, sénateur Gold : le Parti libéral du Canada, la société financière PIMCO, la société de paiements en ligne Stripe, la société d’investissement Brookfield Asset Management ou peut-être le Forum économique mondial, puisqu’il siège au sein du conseil d’administration du forum depuis 2010? Envers qui est-il loyal, sénateur Gold?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de me donner l’occasion de répondre à votre question, sénateur. M. Carney a eu une carrière exemplaire au service des Canadiens et d’autres personnes à travers le monde, et il possède un bagage exemplaire de compétence économique et d’engagement envers la crise existentielle que représente la lutte contre les changements climatiques. Les Canadiens peuvent se féliciter que M. Carney accepte de conseiller le gouvernement au sujet des mesures à présenter.
J’invite tout le monde, en particulier ceux qui croient qu’ils formeront le prochain gouvernement, à tirer quelques leçons économiques d’une personne aussi bien placée pour nous donner des conseils.
Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, ce que nous avons appris, c’est que, l’an dernier, Mark « taxe sur le carbone » Carney a gagné près de 1 million de dollars américains en actions à dividende différé de Brookfield, l’un des plus grands investisseurs dans la République populaire de Chine, alors que ce pays fait partie des pires pollueurs et des pires auteurs de violations des droits de la personne. Pourtant, M. Carney appuie la taxe sur le carbone imposée aux travailleurs canadiens.
Dites-moi une chose, sénateur Gold : comment peut-on ne pas penser qu’il s’agit de placer sa fortune personnelle devant les intérêts des Canadiens? Justin Trudeau et Mark « taxe sur le carbone » Carney sont les deux côtés d’une même médaille, n’est-ce pas?
Le sénateur Gold : Non, ce n’est pas le cas. Je vois que la pause estivale n’a pas freiné votre tendance à ne ménager aucun effort pour dénigrer une figure canadienne qui a offert d’apporter une contribution au pays. Je pense qu’il est malheureux que nous reprenions nos travaux avec le même ton.
Le patrimoine canadien
Le Fonds des médias du Canada
L’honorable Donna Dasko : Sénateur Gold, le Festival international du film de Toronto, le TIFF, avait l’intention de projeter Russians at War, un film de propagande qui montre les soldats russes sous un jour favorable, sans aucune mention des crimes de guerre ou des atrocités qu’ils ont commis.
De nombreuses personnes, dont le sénateur Kutcher, moi-même et d’autres, ont publiquement critiqué le TIFF. Bien que la projection ait été temporairement interrompue, il semble que le film soit de retour en salle. On a abondamment rapporté que le film a été financé en partie par le Fonds des médias du Canada, le FMC, qui a accordé 340 000 $. Comme nous le savons, le FMC reçoit l’argent des contribuables par l’entremise du gouvernement du Canada.
La ministre Freeland a déclaré : « Il n’est pas normal que les fonds publics canadiens soutiennent la diffusion et la production d’un film comme celui-ci. »
Je voudrais poursuivre sur ce point. Comment se fait-il que l’argent des contribuables ait servi à produire ce film de propagande? Que s’est-il passé? Les bailleurs de fonds comprennent-ils...
Son Honneur la Présidente : Merci.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Je ne peux pas parler au nom du Fonds des médias du Canada, ou FMC, mais je crois comprendre que ce dernier a accordé un financement de 340 000 $ pour le film par l’entremise de TVOntario, maintenant connu sous le nom de TVO, dans le cadre du Programme des enveloppes des télédiffuseurs. Je crois comprendre que le FMC a déclaré ceci :
Nous comptons sur nos diffuseurs de confiance et réglementés par le CRTC pour veiller à ce que le projet soit conforme aux normes de programmation approuvées par le CRTC.
Je comprends également que TVO a déclaré ceci :
Le conseil d’administration de TVO a décidé de respecter les commentaires qu’il a reçus, et TVO n’appuiera et ne diffusera plus Russians at War.
La sénatrice Dasko : Merci, sénateur Gold. Pouvez-vous nous dire si le FMC entreprendra une révision de la manière dont il alloue les fonds pour s’assurer à l’avenir que les fonds publics ne sont pas dépensés pour des films de propagande comme celui-ci?
Le sénateur Gold : Je ne peux pas parler au nom du FMC ou de TVO, mais je crois savoir que TVO a déclaré qu’il examinera le processus par lequel le projet a été financé.
La sécurité publique
La prévention de la criminalité
L’honorable Tony Loffreda : Sénateur Gold, Montréal est notre ville. Comme vous, j’aime notre ville, mais je crains de plus en plus que ses habitants ne se sentent pas aussi en sécurité qu’ils devraient l’être. C’est également le cas dans d’autres grandes villes du pays.
L’Institut Macdonald-Laurier a publié aujourd’hui un rapport sur les crimes violents dans les centres urbains. Les auteurs du rapport ont analysé 10 ans de données sur les crimes violents signalés à la police dans neuf grandes villes. Ils ont conclu, entre autres, que certains crimes, notamment les agressions sexuelles et les vols qualifiés, sont en hausse presque partout. Que fait le gouvernement fédéral pour aider les grandes villes canadiennes à lutter contre cette tendance inquiétante? Quels investissements ont été réalisés dans les programmes de prévention de la criminalité?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénateur.
Les services de police de partout au pays continuent de collaborer entre eux afin de régler ce problème. Le gouvernement du Canada les soutient dans leur travail grâce à de nombreux investissements, dont 121 millions de dollars en Ontario par l’entremise de l’Initiative pour prendre des mesures visant à lutter contre la violence liée aux armes à feu et aux gangs; 28 millions de dollars pour soutenir le travail de l’Agence des services frontaliers du Canada et renforcer nos frontières contre les exportations de véhicules volés; et 50 millions de dollars afin de soutenir la coordination entre les services de police, autant au pays qu’à l’étranger.
(1520)
Tout cela s’ajoute à la Stratégie nationale pour la prévention du crime, qui fait partie intégrante des efforts du gouvernement fédéral visant à lutter contre la criminalité et à rendre nos collectivités plus sûres. Grâce à une enveloppe annuelle de 63 millions de dollars, la Stratégie nationale pour la prévention du crime aide les collectivités à élaborer des projets visant à faire baisser la criminalité en réduisant les facteurs personnels, sociaux et économiques qui conduisent certaines personnes à se livrer à des actes criminels.
Le sénateur Loffreda : Selon vous, quel rôle le gouvernement fédéral pourrait-il jouer afin de simplifier la collecte de données et d’assurer des exigences de déclaration uniformes dans une base de données nationale partagée?
Le rapport de l’Institut Macdonald-Laurier signale également des difficultés liées à la collecte, à la vérification et à l’analyse des données sur les crimes violents en milieu urbain au Canada. Selon ce rapport, il est essentiel et nécessaire de publier rapidement des données cohérentes et transparentes sur la criminalité.
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je crois comprendre que Statistique Canada travaille à plusieurs initiatives visant à simplifier la collecte de données, par exemple la collaboration avec l’Association canadienne des chefs de police afin de recueillir des données, par l’entremise de la Déclaration uniforme de la criminalité, sur l’identité autochtone et raciale de toutes les victimes et de tous les accusés impliqués dans des incidents criminels.
L’environnement et le changement climatique
La séquestration du carbone
L’honorable Colin Deacon : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement.
Sénateur Gold, le gouvernement a reconnu la nécessité de créer des structures réglementaires et financières incitatives pour accroître la portée des technologies d’élimination du carbone. Cela comprend le crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone du ministère des Finances, l’élaboration par Environnement et Changement climatique Canada d’un protocole pour la capture directe dans l’air de dioxyde de carbone, ainsi que la responsabilité de Ressources naturelles Canada d’approuver les projets admissibles.
Le Canada dispose d’un avantage concurrentiel naturel dans le domaine de l’élimination et du stockage du carbone, mais d’autres pays attirent la majeure partie des investissements. Les investisseurs avertis qui souhaitent développer les technologies d’élimination du carbone et les organisations qui veulent acheter les crédits de carbone qui en résultent s’inquiètent de la lenteur de nos progrès, ainsi que de la complexité de l’ensemble des protocoles et des approbations.
Sénateur Gold, quel ministère ou entité apportera de la clarté aux efforts du Canada et sera responsable du succès de notre pays afin que nous puissions commencer à attirer des milliards de dollars d’investissements mondiaux, comme le font déjà les États-Unis et l’Europe?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Les sénateurs devraient consulter la Stratégie de gestion du carbone du Canada, sur le site de Ressources naturelles Canada. Cette stratégie énumère les cinq priorités qui guident l’approche du gouvernement dans la promotion d’un secteur canadien de gestion du carbone solide et concurrentiel. Je tiens à souligner qu’attirer des investissements et des possibilités commerciales fait partie de ces cinq priorités. Cette stratégie comprend aussi la promotion des programmes, des politiques et des règlements fédéraux.
Le sénateur C. Deacon : Combien de projets le gouvernement a-t-il approuvés jusqu’à présent en lien avec le crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone? Si la réponse est aucun, quelle serait la meilleure façon de faire bouger les choses et d’accélérer le processus?
Le sénateur Gold : La réponse n’est pas aucun. En fait, si j’ai bien compris, il y a plus de 90 projets en cours et proposés en lien avec le crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone.
Les finances
Le coût de la vie
L’honorable Andrew Cardozo : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.
Premièrement, je tiens à citer un extrait d’une chronique de David Coletto, d’Abacus Data, parue dans le Hill Times :
Le Parlement et le gouvernement fédéral doivent trouver des moyens de persuader les Canadiens qu’une stratégie économique claire est en place pour créer de la richesse, faire croître l’économie et assurer leur avenir.
En toute justice, au regard de certains indicateurs, l’économie se porte bien, avec la réduction de l’inflation — on a annoncé aujourd’hui qu’elle était tombée à 2 % —, la baisse du taux d’intérêt de la Banque du Canada et une approche cohérente en matière de coût de la vie qui couvre les taux d’imposition, les pensions, le programme national de garderies et les soins dentaires.
Cependant, la crise du logement s’aggrave. Le taux de chômage général augmente petit à petit, tandis que celui des jeunes est plus inquiétant.
Si nous prenons la question de la confiance, quelles sont les principales priorités du gouvernement de nature à renforcer la confiance des Canadiens dans l’économie?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement est déterminé à stimuler la productivité en investissant dans les technologies, les incitatifs et les mesures de soutien nécessaires pour accroître l’innovation, attirer plus de capitaux privés au Canada et investir dans la population et les travailleurs. Il s’agit notamment d’améliorer l’accès à des programmes de formation et de recyclage des compétences pour les travailleurs, avec un financement accru pour l’initiative Stratégie emploi et compétences jeunesse; d’investir 207,6 millions de dollars dans les programmes de stages pratiques pour étudiants; de consacrer 2 milliards de dollars au lancement d’un nouveau Fonds d’accès à une puissance de calcul pour l’IA et d’une Stratégie du Canada sur une puissance de calcul souveraine pour l’IA dans le but d’aider les chercheurs et les entreprises en démarrage à accéder à la puissance de calcul dont ils ont besoin pour demeurer concurrentiels et réaliser des progrès; de permettre aux entreprises de déduire le coût total des investissements dans les brevets et l’équipement de traitement des données; de prendre appui sur les réformes antérieures à la Loi sur la concurrence, ce qui favorisera la productivité de l’économie; et d’offrir une série de crédits d’impôt dont la valeur équivaut à 93 milliards de dollars pour donner un élan à l’économie propre.
L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
Le logement et les infrastructures
L’honorable Andrew Cardozo : Sénateur Gold, je voudrais obtenir plus de détails sur deux questions qui touchent l’économie : le logement et l’immigration.
La crise du logement et la pénurie dans ce secteur ont progressivement augmenté au cours des deux dernières décennies. Il y a des gens qui croient que l’augmentation de l’immigration, surtout au cours des dernières années, est la seule raison à la source de cette crise.
Pourriez-vous nous faire part de votre point de vue sur la relation entre l’immigration et le logement? Quelles mesures le gouvernement prend-il pour régler la crise du logement?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le temps ne me permet pas de donner des précisions ni sur tout ce que le gouvernement fait dans ces deux domaines ni sur les interrelations complexes entre ces dossiers, mais vous avez raison de souligner qu’il en existe quelques-unes.
On a annoncé des changements, vous les connaissez tous, aux protocoles et procédures d’immigration, ainsi que d’importants investissements continus dans le secteur immobilier. Ces mesures sont destinées à bonifier le parc de logements et à réduire les pressions sur celui-ci.
L’infrastructure et les collectivités
Le logement abordable
L’honorable Salma Ataullahjan : Monsieur le leader, pendant neuf longues années, le gouvernement néo-démocrate—libéral a été incapable de construire suffisamment de logements pour les Canadiens et, par conséquent, le coût du logement a doublé.
Un rapport mensuel sur le coût des loyers au Canada montre qu’en août, le coût moyen d’un appartement d’une chambre à coucher à Toronto s’élevait à plus de 2 400 $.
Dans toute la région du Grand Toronto, les loyers restent inabordables. Le loyer d’un appartement moyen d’une chambre à coucher à Etobicoke a augmenté de près de 1 % en l’espace d’un mois, et il s’élève maintenant à plus de 2 200 $. À Mississauga, le loyer moyen est de plus de 2 300 $, ce qui est pratiquement inchangé par rapport à l’année dernière, malgré les nombreuses annonces sur le logement faites par le gouvernement néo-démocrate—libéral depuis lors. Monsieur le leader, qui a les moyens de payer de tels loyers?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Il ne fait aucun doute que les Canadiens, en particulier les plus jeunes d’entre eux, ressentent depuis un certain temps les effets de la crise. Voilà pourquoi le gouvernement a lancé une série d’initiatives, tant dans son propre domaine de compétence qu’en étroite collaboration avec les provinces, les municipalités et le secteur privé, afin de relever ce défi complexe auquel nous sommes confrontés au Canada, compte tenu de l’augmentation de la population et des pressions que vous avez soulignées.
Bien qu’il n’y ait pas de solution miracle, toutes les mesures introduites par le gouvernement — et la collaboration qu’il entretient avec de nombreuses municipalités et provinces — porteront leurs fruits.
La sénatrice Ataullahjan : Sénateur Gold, les loyers inabordables ne sont pas seulement un problème dans la région du Grand Toronto. Les loyers demandés pour les types de propriétés résidentielles au Canada s’élevaient en moyenne à 2 187 $ en août, soit une augmentation de 3,3 % au cours de la dernière année. Monsieur le leader, pourquoi les Canadiens devraient-ils vivre ainsi? Quand verrons-nous une réduction notable du coût des loyers?
Le sénateur Gold : Il y a un problème d’offre et de demande, comme tout le monde le comprend. Le gouvernement a pris des mesures qui permettront de rendre plus de 600 000 nouveaux logements locatifs accessibles, y compris des dizaines de milliers de logements abordables dans tout le pays. Il sévit également contre les locations à court terme afin de rendre jusqu’à 30 000 appartements supplémentaires rapidement accessibles aux familles pour qu’elles puissent y vivre. Il s’agit là de quelques mesures prises pour résoudre ce problème.
[Français]
L’emploi et le développement social
Le taux de chômage
L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Au mois d’août, 44 000 Canadiens ont perdu leur emploi à temps plein. Le Canada n’a pas connu un taux de chômage aussi élevé sauf au moment de la pandémie depuis mai 2017. Pendant ce temps, le taux de chômage diminue aux États-Unis. Les jeunes Canadiens ont plus que jamais du mal à trouver un emploi. Le taux de chômage des étudiants qui retournent aux études s’élève à 16,7 %. Si l’on exclut la pandémie, c’est le taux de chômage le plus élevé pour les mois d’été depuis 2022.
Les politiques économiques libérales sont un échec. Le premier ministre a tenu son caucus présessionnel au mois d’août à Vancouver. À qui a-t-il imputé la responsabilité de ce désastre?
(1530)
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, et merci également de souligner les défis liés au taux de chômage au Canada. Avec beaucoup de respect, cher collègue, ce n’est pas vrai que le gouvernement fédéral est le seul responsable des hauts et des bas du taux de chômage. Il y a des questions saisonnières. En ce qui concerne les politiques fiscales monétaires du gouvernement du Canada, sur le plan macroéconomique, comme l’a souligné tout récemment notre collègue, le taux d’inflation a continué de baisser, et nous avons maintenant atteint un taux de 2 %. Nous espérons que les taux d’intérêt continueront de diminuer, ce qui contribuera à l’amélioration de notre situation économique.
Le sénateur Carignan : Monsieur le leader, les chèques de paie des Canadiens diminuent. Statistique Canada a récemment indiqué que le PIB par habitant avait baissé pour le cinquième trimestre consécutif et qu’il avait reculé de 3,6 % depuis 2022.
L’économiste Trevor Tombe a dit, et je le cite, que « si le Canada avait simplement suivi le rythme des États-Unis au cours des deux dernières années, notre économie serait 8,5 % plus grande ».
Le premier ministre peut-il prendre cette responsabilité et démissionner?
Le sénateur Gold : Le gouvernement continuera de mettre la main à la pâte et de faire de son mieux pour améliorer les conditions de vie de tous les Canadiens et Canadiennes.
L’embauche de professeurs d’université
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Gold, le 30 août dernier, la représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie, Amira Elghawaby, a écrit aux recteurs des universités canadiennes, notamment pour leur recommander d’embaucher davantage de professeurs musulmans, palestiniens et arabes.
Sénateur Gold, trouvez-vous qu’il est approprié pour une représentante spéciale nommée par le gouvernement fédéral de suggérer aux universités canadiennes d’embaucher des professeurs d’une religion particulière — et je précise, quelle qu’elle soit?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Je crois que le premier ministre a été très clair sur la position du gouvernement. Je le répète : il appartient à chaque université de déterminer qui elle veut embaucher.
La sénatrice Miville-Dechêne : Cela dit, cela ne répond pas tout à fait à la question que je vous ai posée. Tout le monde est d’accord pour dire que la diversité est très importante, notamment au sein du corps universitaire.
Toutefois, ne croyez-vous pas que l’embauche des professeurs doit se faire sur la base des compétences, et non sur une base religieuse? L’État canadien n’est-il pas neutre et laïc?
Le sénateur Gold : Comme l’a dit le premier ministre, chaque université a ses propres règles en matière d’embauche et de licenciement de personnel, et le gouvernement respecte clairement ces règles.
[Traduction]
La sécurité publique
Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement
L’honorable Percy E. Downe : Sénateur Gold, comme vous le savez, de nombreux sénateurs sont préoccupés par l’inégalité de traitement entre le Sénat et la Chambre des communes en ce qui concerne l’accès à la version non caviardée du rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement sur l’ingérence étrangère au Canada. La conclusion du rapport selon laquelle des acteurs étrangers ont entretenu des relations avec des députés et des sénateurs dans le but d’amener les Canadiens à agir en faveur des acteurs étrangers et à l’encontre des intérêts du Canada est particulièrement préoccupante.
Lorsqu’on vous a posé des questions sur l’envoi du rapport aux quatre leaders des groupes du Sénat pour qu’ils puissent le lire, vous avez répondu que le gouvernement réfléchissait sérieusement à la manière de répondre à cette demande.
Pouvez-vous indiquer aux sénateurs si, à l’instar des chefs des divers groupes à la Chambre des communes, les leaders des groupes ici au Sénat auront également l’occasion de lire le rapport non caviardé? Avez-vous pu le lire en tant que leader du gouvernement au Sénat?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La réponse courte est non, je n’ai pas été invité à lire le rapport, et la plupart des ministres n’y ont pas accès non plus, comme vous le savez peut-être, et je crois que vous êtes au courant. C’est cependant une bonne question, sénateur.
La demande a été présentée au gouvernement, et nous avons suivi le dossier avec diligence. Nous savons que c’est une question importante. Nous nous attendions à ce qu’on pose la question aujourd’hui, et nous avons fait tous les efforts pour obtenir une réponse. Je dois dire en toute sincérité que nous n’avons malheureusement pas réussi à obtenir une décision définitive, même si nous avons constamment demandé un suivi à ce sujet. Mon bureau et moi allons continuer d’exhorter le gouvernement à en arriver à une décision, et je peux vous assurer que je vous communiquerai la réponse dès que je l’obtiendrai.
Le sénateur Downe : Merci, sénateur Gold. Sans révéler de noms, pouvez-vous nous dire si un ministre ou un fonctionnaire du gouvernement du Canada vous a indiqué si un sénateur a été nommé dans le rapport?
Le sénateur Gold : Non, je n’ai pas reçu ce genre d’information. On considère qu’en tant que représentant du gouvernement, je n’ai pas à être informé au sujet de ce genre de questions; je crois que c’est l’approche qui a été adoptée. Par conséquent, je n’ai pas été informé et je n’ai pas lu le rapport, et je ne m’attends pas à ce qu’il en soit autrement.
Les finances
La taxe sur le carbone
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader, la taxe sur le carbone a rendu la vie quotidienne des familles canadiennes difficile. Jeudi dernier, le premier ministre néo-démocrate de la Colombie-Britannique a déclaré que son gouvernement éliminerait la taxe sur le carbone imposée aux habitants de ma province si le gouvernement Trudeau supprimait l’obligation d’en avoir une. Le premier ministre libéral de Terre-Neuve-et-Labrador, le premier ministre néo-démocrate du Manitoba et les premiers ministres conservateurs de l’Est et de l’Ouest du Canada se sont tous prononcés contre la taxe inflationniste sur le carbone.
Monsieur le leader, quelle est la réponse de votre gouvernement à cette demande du premier ministre de la Colombie-Britannique?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Tous les économistes crédibles conviennent que la tarification de la pollution n’a pas eu d’effet inflationniste. Si nous devons exprimer notre désaccord avec des politiques et leur rôle au Sénat, rétablissons au moins les faits.
Le fait est que le gouvernement reste d’avis que la tarification de la pollution est l’outil le plus efficace et le plus adapté au marché, parmi d’autres, pour lutter contre les changements climatiques. Nous comprenons la situation politique des provinces dont les citoyens et autres groupes éprouvent généralement des difficultés. Le gouvernement du Canada a beaucoup de respect pour le premier ministre de la Colombie-Britannique et pour tous les autres premiers ministres provinciaux, mais je crois comprendre que le gouvernement reste attaché à cet outil pour lutter contre les changements climatiques. C’est l’outil le plus efficace et le plus adapté au marché, et il est reconnu comme tel.
La sénatrice Martin : Eh bien, le fait est que tous les premiers ministres provinciaux sont en désaccord avec cette politique inefficace.
Monsieur le leader, en octobre dernier, le premier ministre a accordé aux provinces de l’Atlantique une exemption de sa taxe sur le carbone. Peu après, l’une de ses ministres a déclaré à CTV News que les habitants des Prairies devaient élire davantage de libéraux pour obtenir une exemption. Votre gouvernement s’attend-il à ce que les habitants de la Colombie-Britannique croient également la même chose maintenant?
Le sénateur Gold : Le gouvernement demeure résolu à mettre en œuvre un plan sérieux et fondé sur des données probantes pour lutter contre les changements climatiques. Il regrette la mésinformation qui est répandue, volontairement ou involontairement. Il regrette vivement que les autres partis de l’opposition n’aient présenté aucun plan à ce chapitre. La politique, c’est la politique, mais il s’agit d’une bonne politique pour l’avenir du Canada.
[Français]
La sécurité publique
Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement
L’honorable Raymonde Saint-Germain : Sénateur Gold, ma question a trait à des supputations qui ont été faites après la publication du rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.
J’entendais la commissaire Hogue expliquer plutôt clairement que les renseignements obtenus du Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, sont des renseignements protégés parce qu’il pourrait y avoir potentiellement des poursuites, ce qui fait tout autant partie de la sécurité nationale et des secrets d’État.
La commissaire Hogue a donc indiqué qu’elle ne publierait, de son côté, aucun nom de parlementaire.
Considérez-vous que cela satisfait réellement à la règle de droit et que cela confirme qu’il n’est pas possible que des noms de parlementaires soient inclus dans le rapport non caviardé du comité?
(1540)
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Si je comprends bien la question, la position du gouvernement est qu’il respecte la décision de la juge Hogue. Il faut toujours trouver un juste équilibre entre une transparence sans limites et les exigences relatives au droit, y compris la protection de notre sécurité nationale et de la vie privée dans ces circonstances.
Je crois donc que la juge Hogue a trouvé un juste équilibre à cet égard.
La sénatrice Saint-Germain : Vous reconnaissez donc que, dans ce contexte et dans un État de droit, le principe fondamental du respect de la vie privée, mais aussi du droit à la présomption d’innocence, a été un élément fondamental et qu’il doit continuer de l’être?
Le sénateur Gold : Je suis tout à fait d’accord.
[Traduction]
Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton
Les finances—La Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 5, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures.
Les finances—Air Canada
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 6, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Air Canada.
Le Bureau du Conseil privé—Les résidences situées au lac Harrington
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 47, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant les résidences situées au lac Harrington — Bureau du Conseil privé.
Le Bureau du Conseil privé—La Direction des opérations en matière de sécurité
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 78, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant le Bureau du Conseil privé.
Le Bureau du Conseil privé—La fonction publique
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 79, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant la fonction publique.
Le Bureau du Conseil privé—Le Groupe de travail sur les services aux Canadiens
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 184, en date du 13 décembre 2022, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant le Groupe de travail sur les services aux Canadiens.
Réponses différées à des questions orales
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer les réponses aux questions orales suivantes :
Réponse à la question orale posée au Sénat le 17 mai 2022 par l’honorable sénateur Plett, concernant le transfert d’une petite entreprise.
Réponse à la question orale posée au Sénat le 22 mars 2023 par l’honorable sénateur Deacon (Nouvelle-Écosse), concernant le système bancaire ouvert.
Réponse à la question orale posée au Sénat le 10 mai 2023 par l’honorable sénatrice McPhedran, concernant la sécurité des femmes et des filles autochtones.
Les finances
Le transfert d’une petite entreprise
(Réponse à la question posée le 17 mai 2022 par l’honorable Donald Neil Plett)
Ministère des Finances Canada
On a annoncé dans le budget de 2022 un processus de consultation pour permettre aux intervenants de donner leur avis sur la façon dont les règles peuvent être renforcées afin de protéger l’intégrité du régime fiscal. Par suite de cette consultation, le gouvernement a publié des projets de propositions législatives dans le budget de 2023 ainsi que le 4 août 2023. La version définitive des modifications législatives proposées figure dans le projet de loi C-59 (44e législature, 1re session), qui a reçu la sanction royale le 20 juin 2024 et est réputé être entré en vigueur le 1er janvier 2024.
Le budget de 2023 a estimé les gains de revenus associés aux modifications législatives, ce qui peut être trouvé au lien suivant, à la page 4 : tm-mf-2023-fr.pdf (canada.ca).
Le système bancaire ouvert
(Réponse à la question posée le 22 mars 2023 par l’honorable Colin Deacon)
Ministère des Finances Canada
Après l’annonce, dans l’Énoncé économique de l’automne 2023, de la mise en œuvre d’un cadre pour les services bancaires axés sur le consommateur qui réglementerait le partage des données financières, le budget de 2024 a annoncé les détails de ce cadre. Le gouvernement a chargé l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) de superviser et d’appliquer le cadre et a établi les fondements législatifs du Cadre des services bancaires axés sur le consommateur du Canada dans la première loi d’exécution du budget. Le projet de loi C-69 a reçu la sanction royale le 20 juin 2024. Les autres éléments du cadre seront inclus dans un futur projet de loi.
Les relations Couronne-Autochtones
La sécurité des femmes et des filles autochtones
(Réponse à la question posée le 10 mai 2023 par l’honorable Marilou McPhedran)
Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL)
Notre gouvernement est déterminé à améliorer les résultats en matière de logement des Autochtones et à bâtir de nouvelles relations avec les peuples autochtones, fondées sur la reconnaissance des droits, le respect, la coopération et les partenariats.
Dans le cadre de l’Énoncé économique de l’automne 2020, le gouvernement a annoncé un investissement de 724,1 millions de dollars pour élargir les services de soutien pour les femmes, les enfants et les personnes Deux esprits, Lesbienne, Gai, Bisexuel, Transgenre, Queer, Intersexuel, Asexuel plus (2ELGBTQIA+) autochtones qui sont victimes de violence fondée sur le sexe.
Les projets dans le cadre de l’Initiative de refuge et de logement de transition pour les Autochtones sont sélectionnés par un comité dirigé par des Autochtones composé de représentants d’organisations des Premières Nations, des Métis, des Autochtones 2ELGBTQIA+ et des communautés urbaines ainsi que de la SCHL, de Services aux Autochtones Canada et d’experts en la matière, ainsi que de personnes ayant vécu des expériences en matière d’hébergement et/ou de logement de transition.
Au 31 mars 2024, 159,34 millions avaient fait l’objet d’un engagement conditionnel ou financier pour la construction de 20 hébergements et de 14 maisons de transition pour les femmes, les enfants et les personnes 2ELGBTQIA+ autochtones dans le cadre de l’Initiative de maisons d’hébergement et de logements de transition pour les Autochtones.
Veuillez noter que, depuis la date de cette question, le gouvernement du Canada a publié Le Plan du Canada sur le logement (https://www.pm.gc.ca/fr/nouvelles/communiques/2024/04/12/annonce-plan-du-canada-logement) et son budget de 2024 (https://budget.canada.ca/2024/home-accueil-fr.html).
ORDRE DU JOUR
Les travaux du Sénat
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le 7 décembre 2021, je souhaite aviser le Sénat que la période des questions avec l’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales, aura lieu le jeudi 19 septembre 2024, à 16 h 55.
Recours au Règlement
L’honorable Marilou McPhedran : Votre Honneur, je me demande si je peux faire un rappel au Règlement maintenant que nous avons terminé la période des questions en ce premier jour de la rentrée, après les vacances d’été.
Je signale qu’à de nombreuses reprises aujourd’hui, alors que les sénateurs posaient des questions et que le sénateur Gold y répondait, la greffière s’est levée pour signaler que le temps était écoulé, mais — et je lui en suis très reconnaissante — les sénateurs ont tous été autorisés à terminer ce qu’ils avaient à dire. Cela n’a pris que quelques secondes de plus que le temps qui leur était imparti.
J’ignore si leurs microphones ont été fermés au moment où la greffière s’est levée. J’aimerais le savoir, s’il vous plaît.
Je soulève ce point principalement parce que, comme nos nouveaux collègues l’apprendront bientôt, les sénateurs non affiliés font l’objet d’une série de pratiques discriminatoires dans cette enceinte, l’une d’entre elles étant que nous avons beaucoup moins d’occasions de nous exprimer. L’une de ces occasions est, en fait, la période des questions.
Plus d’une fois avant la pause estivale, mes questions ont été interrompues; mon micro a été fermé. À la lumière de la recherche menée par la sénatrice Dasko ainsi que celles d’autres personnes, la confiance de la population canadienne envers le Sénat du Canada s’est accrue et — comme les résultats d’une série de sondages l’ont démontré — les Canadiens manifestent un intérêt renouvelé pour la Chambre haute. Un certain nombre de personnes ont communiqué avec moi parce qu’elles se soucient beaucoup des questions concernant les droits de la personne que j’ai l’habitude de soulever à la période des questions — et veulent entendre les questions et les réponses.
Ma demande et mon rappel au Règlement visent à obtenir des éclaircissements sur la procédure qui consiste à fermer les microphones lors des séances — comme ce fut la pratique jusqu’à la pause estivale, mais qui ne semble pas être reprise aujourd’hui. Mon intention est que tous, y compris ceux qui nous regardent, connaissent les paramètres qui déterminent l’information pouvant être communiquée tout en tenant compte de la pertinence et de l’efficacité de la période des questions dans son ensemble.
Je vous remercie, Votre Honneur.
Son Honneur la Présidente : Je vous remercie pour votre question et votre rappel au Règlement.
Je tiens à préciser qu’habituellement, le greffier se lève lorsqu’il n’y a plus que 10 secondes pour la question ou 10 secondes avant la fin du délai fixé pour la réponse. Nous disposons de 60 secondes pour la question et de 60 secondes pour la réponse du représentant du gouvernement. Puis, pour la question complémentaire, nous disposons de 30 secondes pour la question et de 30 secondes pour la réponse. C’est uniquement pour expliquer que le greffier se lèvera 10 secondes avant la fin de la période de 60 secondes ou de 30 secondes.
Je vous remercie de votre question. Je pourrais certainement expliquer à nouveau, car je l’ai fait plus d’une fois avant la période des questions, ce qui est, je ne dirais pas la règle, mais la convention ou l’accord concernant les questions et les réponses, en ce sens qu’il y a à la fois des questions et des réponses de 60 secondes et de 30 secondes.
La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup pour cette explication, Votre Honneur. Je me demande si vous pourriez également, à un moment donné, mais pas forcément maintenant, répondre à la partie de ma question concernant la désactivation des microphones.
Son Honneur la Présidente : En général, on ferme le micro quand la présidence se lève, puisqu’on demande alors à la personne de s’asseoir. Voilà pourquoi le micro est fermé.
L’honorable Percy E. Downe : J’invoque le Règlement. Je n’avais pas l’intention de prendre la parole, mais j’ai changé d’idée. À la lumière de l’intervention importante faite par la sénatrice McPhedran — et comme c’est le jour du retour —, nous avons noté que les sénateurs ont fait des déclarations d’une grande importance, mais que deux des déclarations étaient plus longues que les autres. Nous nous efforçons toujours de respecter le temps imparti. Le sénateur Black a présenté aujourd’hui une déclaration importante à propos d’un sujet crucial tout en respectant le temps prévu. Nous avons ensuite remarqué qu’on laissait d’autres personnes parler plus longtemps.
Nous demandons donc, comme nous l’avons déjà fait, que les règles que nous connaissons tous soient appliquées ou qu’elles soient modifiées, selon la préférence du Sénat. Nous devons tous connaître les règles et savoir si elles seront appliquées. Sinon, nous dépasserons toujours le temps prévu non seulement pour les déclarations, mais aussi pour les questions.
Son Honneur la Présidente : Je conviens que le Règlement prévoit des interventions de trois minutes. Je dois admettre que j’ai été assez généreuse, en particulier lorsqu’il s’agissait de rendre hommage à un membre de la communauté décédé ou à un ancien collègue. J’ai fait preuve de souplesse.
La règle, c’est trois minutes. Si vous voulez que je coupe la parole à tout le monde au bout de trois minutes, je peux le faire, mais j’aimerais avoir une certaine marge de manœuvre quant à la manière dont je gère les déclarations.
Le sénateur Downe : Sur ce point, Votre Honneur, je pense que cela crée de la confusion. Si on nous permet une certaine souplesse, nous la demanderons pour chaque déclaration, ce qui signifie qu’il faudra plus de temps, quel que soit le sujet abordé.
(1550)
Je viens de prendre le sénateur Black en exemple pour expliquer que nous essayons de faire toutes nos déclarations en trois minutes ou moins. C’est ce que nous demandons. Si vous avez quelque chose à dire et que vous savez que votre temps de parole est de trois minutes, dites-le dans les trois minutes. Si votre déclaration doit être plus longue, c’est une tout autre histoire; si le Règlement n’est pas appliqué, nous pourrions peut-être le modifier.
Son Honneur la Présidente : Je vous remercie de vos observations.
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : J’aimerais au moins faire les observations suivantes. Le sénateur Downe est au Sénat depuis suffisamment d’années pour savoir qu’il y a des règles concernant nos discours. Certains discours peuvent durer 15, 30 ou 45 minutes, et il sait très bien qu’il nous arrive souvent d’accorder aux sénateurs de deux à cinq minutes de plus pour qu’ils puissent terminer leur discours. Il le sait très bien. Maintenant, parce qu’il y a quelque chose qui le touche, il voudrait soudainement qu’on applique les règles à la lettre.
Par ailleurs, je m’inscris en faux contre l’affirmation du sénateur Downe selon laquelle toutes les déclarations au Sénat ont la même importance. Le sénateur Black avait une importante déclaration à faire aujourd’hui. J’étais tout à fait d’accord avec ce que le sénateur Black avait à dire, mais lorsqu’on apprend le décès d’un collègue qui a passé bien des années à la Chambre des communes, je pense que c’est un peu plus important que certaines déclarations qui sont faites dans cette enceinte pour souligner d’autres événements. Je ne suis pas d’accord avec le sénateur et je considère, Votre Honneur, qu’il faut faire preuve d’une certaine souplesse.
Je vais être transparent. Je ne devrais peut-être pas l’être, Votre Honneur, mais je vais l’être. J’ai saisi l’occasion, parce que j’avais une déclaration importante à faire, pour interpeller la présidence, comme je l’ai fait dans le passé avec d’autres occupants du fauteuil, et dire : « Votre Honneur, mon intervention prendra un certain temps et j’espère que vous me laisserez une certaine marge de manœuvre. » C’est ce qu’elle a fait. Je pense que nous devons donner cette latitude à la présidence, et si nous essayons de dire : « C’est tout; nous n’autoriserons rien de plus », sénateur Downe, croyez-moi, lorsque quelqu’un demandera une minute supplémentaire, je la lui refuserai si on veut jouer ce petit jeu. Il faut permettre une certaine souplesse dans certains discours. Nous le faisons régulièrement pour les discours. Pourquoi ne le ferions-nous pas pour les déclarations?
Le sénateur Downe : Souvent, les règles se transforment à notre guise. Ce ne sont pas des règles. Je ne m’oppose d’aucune façon à la déclaration faite aujourd’hui par le sénateur Plett. Par ailleurs, j’ai lu l’hommage de Monte Solberg, qui était encore meilleur, je dirais, que le vôtre, sénateur Plett, à l’intention d’un parlementaire exceptionnel. Cela ne me pose aucun problème.
Mais quelles sont les règles? Doit-on interpeller sans ambages la présidence? C’est la première fois que j’entends dire que l’on peut faire cela. Je suis ici depuis de nombreuses années et je n’ai jamais dit à la présidence : « J’ai besoin d’un peu plus de temps. » Quelles règles voulons-nous? Voulons-nous changer les règles, comme je l’ai dit au début, pour en accroître la souplesse? Dites-nous quelles sont les règles pour que nous soyons tous traités équitablement.
La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup, Votre Honneur. Si vous me le permettez, je voudrais simplement ajouter quelque chose aux points importants que mes collègues ont soulevés. J’aimerais que tous les aspects de ma question soient pris en compte; elle porte sur la fermeture des microphones. Il serait utile de bien comprendre quand les microphones sont fermés et qui coupe le son. Je suis au fait de la situation parce que mon bureau a mené une étude sur le sujet à la suite des nombreuses fois où des gens m’ont parlé du fait que j’étais interrompue alors que d’autres ne l’étaient pas. Je tiens à souligner le grand respect que j’ai pour votre fonction, pour votre jugement en tant que Présidente du Sénat, tout en insistant sur les points présentés par mes collègues à propos du traitement équitable de tous les sénateurs et sur l’aspect de ma question concernant la fermeture des microphones. Merci.
Son Honneur la Présidente : Je vous remercie de toutes vos observations. Encore une fois, en règle générale, les microphones sont fermés lorsque je me lève. C’est une question de coordination avec les gens qui ferment les microphones, et il peut y avoir quelques secondes de flottement... Il faut comprendre un peu comment c’est coordonné.
[Français]
Je vous remercie de vos commentaires. J’ai apprécié vos questions et je vais les prendre en considération pour voir comment je vais gérer les affaires courantes du gouvernement et les autres affaires que l’on retrouve au plumitif au cours des prochaines séances.
Merci beaucoup.
[Traduction]
Recours au Règlement
Report de la décision de la présidence
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’invoque moi aussi le Règlement aujourd’hui, et je vais présenter quelques faits. Le recours au Règlement porte sur des événements ayant eu lieu durant la pause estivale. Permettez-moi de résumer ce qui s’est passé, Votre Honneur.
Cet été, j’ai été contacté par le Hill Times, qui m’a demandé de rédiger un article d’opinion sur le « nouveau Sénat de Trudeau ». On a fait appel à moi en tant que leader de l’opposition au Sénat et leader des conservateurs.
Le 21 août 2024, le Hill Times a publié mon article d’opinion sous le titre Trudeau’s experimental Senate changes are turning out to be a dud, ou les changements expérimentaux apportés par Trudeau au Sénat s’avèrent être un échec.
Le 26 août, Alison Korn, conseillère en relation avec les médias et gestion des enjeux pour le Sénat, a envoyé une note de service à 32 personnes, dans laquelle elle disait ceci :
Pour votre information, je signale qu’une modification a été apportée à un article d’opinion paru dans le Hill Times qui comparait de manière incorrecte les dépenses réelles et les budgets.
Le courriel contenait un lien vers mon article d’opinion. À aucun moment avant de contacter le Hill Times, Mme Korn ne m’a contacté ou n’a contacté mon bureau pour discuter du contenu de l’article. Elle a communiqué avec le Hill Times sans mon autorisation et à mon insu. Elle l’a fait secrètement, dans mon dos.
Quand elle a appris que ma lettre d’opinion avait été modifiée, Karine Leroux, la directrice des communications de mon bureau, a communiqué avec le Hill Times pour demander la raison de la modification du texte sans l’approbation de l’auteur. Les représentants du Hill Times ont répondu qu’ils croyaient que Mme Korn avait discuté des changements avec moi et ils ont supposé qu’elle agissait en mon nom.
Quand ils ont compris qu’on les avait trompés pour qu’ils apportent le changement, les gens du Hill Times m’ont transmis leurs excuses et publié de nouveau le texte d’origine sur le site Web. Quand on lui a demandé pourquoi elle avait fait changer le texte de ma lettre d’opinion, Mme Korn a répondu que c’était la présidente du Comité de la régie interne, la sénatrice Moncion, qui lui avait donné ordre de communiquer avec le Hill Times.
Ni la sénatrice Moncion ni son personnel n’ont communiqué avec moi ou avec mon bureau avant d’ordonner à Mme Korn de faire changer en secret la lettre d’opinion. La sénatrice Moncion n’a même pas demandé à Mme Korn de communiquer avec moi avant de demander la modification.
À titre de conseillère en relation avec les médias et gestion des enjeux au Sénat, Mme Korn relève officiellement de la dirigeante principale des services corporatifs et greffière du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration. Pour l’instant, je ne peux pas dire si Mme Pascale Legault a joué un rôle dans la décision de demander à mon insu que la lettre d’opinion soit modifiée. Il semble que Mme Korn ait reçu ses ordres directement de la sénatrice Moncion.
En sa qualité de conseillère en relation avec les médias et gestion des enjeux pour le Sénat, Alison Korn envoie souvent des courriels à un petit groupe de personnes concernant des corrections apportées à des articles de presse. En fait, mon bureau a été en mesure de trouver 75 de ces courriels envoyés depuis 2017. Avant cette situation particulière, l’objet de ces courriels était toujours « MEDIA CORRECTION ». Le courriel qui portait sur la modification de ma lettre d’opinion est le seul parmi ceux que nous avons trouvés dont l’objet était « MEDIA EDIT ». La modification de l’objet est le signe que Mme Korn voulait faire une distinction entre cette situation unique et ce qu’elle fait habituellement. Elle montre qu’il y a eu un changement dans la façon de faire et prouve que la lettre d’opinion a été modifiée intentionnellement et délibérément.
Quelle modification Mme Korn a-t-elle apportée?
(1600)
Dans ma lettre d’opinion, j’ai écrit que les dépenses du Sénat s’élevaient à 85,4 millions de dollars en 2014-2015. Elle a ordonné que le texte soit modifié afin d’indiquer que le budget du Sénat dans le Budget principal des dépenses était de 91,5 millions de dollars en 2014-2015. Les deux chiffres sont exacts, Votre Honneur. Ce que Mme Korn et la sénatrice Moncion n’aimaient pas, c’est que j’ai utilisé le chiffre le plus bas pour l’exercice 2014-2015, soit les dépenses réelles. Elles n’ont pas corrigé une erreur que j’ai commise. Elles ont voulu changer le sens du texte, essayant de minimiser l’augmentation des dépenses du Sénat depuis l’arrivée au pouvoir de Justin Trudeau.
Votre Honneur et chers collègues, c’est scandaleux. Il y a maintenant une police des communications du Sénat qui non seulement vérifiera ce que les sénateurs disent ou écrivent à l’extérieur de l’enceinte, mais qui, en secret, changera la façon dont vous présentez vos idées. Cette situation mène vers une pente dangereusement glissante.
Imaginez, Votre Honneur, si, dans quelques années, un conservateur était président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, et que ce président ordonnait au conseiller en relations avec les médias et en gestion des enjeux de réécrire la lettre d’opinion de la sénatrice Boniface, dans laquelle elle disait que Justin Trudeau était un bon premier ministre. Le président conservateur du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration pourrait facilement soutenir que c’est inexact; j’aurais des arguments en ce sens. Je ne pense pas que la sénatrice Moncion serait très heureuse de cette correction.
Personne au Sénat ne devrait voir ses lettres d’opinion modifiées, et personne ne devrait avoir à vivre ce que j’ai vécu ici.
Même si j’avais utilisé des chiffres inexacts, la sénatrice Moncion et Mme Korn n’avaient absolument pas d’affaire à changer le texte de ma lettre d’opinion à mon insu. Je le répète, la bonne façon de procéder aurait été de communiquer avec moi pour me demander d’apporter la modification ou encore de rédiger une réplique et de la faire publier dans le Hill Times.
Avant de poursuivre, j’aimerais expliquer ce qu’est une lettre d’opinion. Il ne s’agit pas d’un article d’actualité. Il s’agit d’une lettre dans laquelle l’auteur exprime son opinion. D’ailleurs, les journaux et les médias d’information effectuent une nette distinction entre les articles d’actualité et les lettres d’opinion, en plus de préciser le nom de l’auteur. Une lettre d’opinion est une brève chronique de journal dans laquelle l’auteur expose son opinion. Elle représente le point de vue de cette personne, ses valeurs, son expertise, ses croyances politiques, etc. Les lettres d’opinion donnent l’occasion à l’auteur d’expliquer des nuances, sa vision et son avis. Enfin, les journaux et les médias d’information offrent habituellement à d’autres auteurs l’occasion de fournir une réponse et une perspective différente par rapport à une lettre d’opinion publiée, ce qui favorise la tenue d’un dialogue public.
Ainsi, sur les ordres de la sénatrice Moncion, Mme Korn a modifié le texte, l’opinion personnelle que j’avais soumis à titre individuel, en tant que sénateur et chef de l’opposition, et non à titre de représentant du Sénat ou du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration.
Comme tous les Canadiens, je bénéficie des droits et des libertés reconnus par la Charte canadienne des droits et libertés, et plus particulièrement des libertés inscrites au paragraphe 2b) : « liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication [...] »
Les gestes posés par Mme Korn et la sénatrice Moncion équivalent ni plus ni moins à de la censure. Elles n’ont pas aimé ou approuvé mes propos et, grâce à un subterfuge, elles sont parvenues à modifier mon texte. Il est clair qu’elles ont sciemment porté atteinte à mes droits et libertés.
Dans un document commandé par la Commission sur l’état d’urgence, le professeur Richard Moon, de l’Université de Windsor, a résumé en ces mots ce qu’est la liberté d’expression :
Pour protéger la liberté d’expression, les personnes doivent être libres de s’exprimer et d’écouter les autres, sans ingérence de l’État. Selon certains, il faut répondre à un discours de propagande ou de diffamation, non pas par la censure, mais par davantage de discours.
Les tribunaux ont rendu plusieurs décisions sur la liberté d’expression. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais j’aimerais utiliser le document du professeur Moon pour m’attarder sur certaines décisions de la Cour suprême.
La Cour suprême a déclaré que la liberté d’expression est protégée « [...] sans égard aux sens ou message particulier que l’on cherche à transmettre ». Elle a aussi déclaré ceci :
[...] dans une société libre, pluraliste et démocratique, nous attachons une grande valeur à la diversité des idées et des opinions qui est intrinsèquement salutaire tant pour la collectivité que pour l’individu [...]
Enfin, il y a ce qui suit :
La Cour a [...] déclaré qu’elle n’exclurait pas un acte d’expression de la portée de la garantie de la liberté d’expression simplement parce que l’acte est considéré comme étant sans valeur [...]
À mon avis, le Sénat, le Comité sénatorial de la régie interne, des budgets et de l’administration et l’Administration du Sénat n’ont pas le pouvoir de restreindre les droits d’un Canadien ou d’un sénateur en vertu de la Charte.
Bien qu’on puisse dire que le Sénat peut effectivement restreindre les droits et les libertés des citoyens canadiens, y compris ceux d’un sénateur, il est clair pour moi que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, sa présidente, un sénateur individuel ou un employé du Sénat ne peut pas le faire de son propre chef au mépris de la loi et du Règlement du Sénat.
Permettez-moi à nouveau de citer le professeur Moon :
Pour être prescrite par une règle de droit, la restriction doit prendre la forme de mesure législative, comme une loi, un règlement ou une politique exécutoire, et elle ne doit pas être vague, bien qu’il suffise que la règle restrictive énonce « une norme intelligible » pour établir si une conduite est visée par l’interdiction [...]
Il n’y a ni loi, ni règlement, ni règle qui permette au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, à un sénateur ou à un employé du Sénat de restreindre la liberté d’expression d’un sénateur. L’article 12-7 du Règlement du Sénat et l’article 19 de la Loi sur le Parlement du Canada — deux articles qui définissent les pouvoirs du Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration — ne contiennent rien qui permettrait de censurer ce qu’un sénateur peut dire à l’extérieur du Sénat.
Par conséquent, les gestes posés par Mme Korn et la sénatrice Moncion allaient clairement au-delà de leurs pouvoirs.
Les sénateurs conviendront, je crois, que lorsqu’un sénateur souhaite corriger ce qu’un autre sénateur dit dans une lettre d’opinion, la façon normale de procéder consiste soit à communiquer avec l’auteur pour lui signaler l’erreur en question, soit à écrire une réplique à la lettre d’opinion. La sénatrice Moncion avait tout à fait le droit de ne pas être d’accord avec moi. Elle avait tout à fait le droit de penser que les faits que j’avais présentés étaient erronés, même s’ils étaient en fait exacts. Mais elle n’avait pas le droit d’ordonner à Mme Korn, à mon insu, de demander au Hill Times de modifier mon texte, et Mme Korn n’avait pas le droit de laisser le Hill Times croire qu’elle avait le pouvoir de changer mon texte ni qu’elle agissait ainsi au nom du Sénat.
À titre de présidente du comité — surtout qu’il s’agit du Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration, qui revêt une grande importance pour nous tous —, la sénatrice Moncion devrait agir de manière professionnelle, juste et équitable.
En tant que membre de l’Administration du Sénat, Mme Korn devrait aussi agir avec professionnalisme et toujours de façon non partisane. En agissant comme elles l’ont fait, non seulement la sénatrice Moncion et Mme Korn ont outrepassé leurs pouvoirs selon nos règles, mais elles ont aussi manqué à leur obligation d’agir de façon professionnelle et juste. Elles ont manqué à leurs obligations à mon égard et envers le Sénat.
J’aimerais citer la décision que le président Furey a rendue le 13 juin 2019 :
Nous avons le grand privilège d’être membres de la Chambre haute du Parlement du Canada. Ce grand privilège impose une grande responsabilité. Ensemble, nous nous employons tous à servir les intérêts de notre pays. Nous pouvons certainement être en désaccord les uns avec les autres. En fait, l’échange d’idées divergentes est essentiel à la santé de notre régime parlementaire. Nous devons toutefois toujours faire preuve de courtoisie et de respect les uns envers les autres et valoriser le vaste éventail d’expériences et les différents points de vue que nous apportons au Parlement. Nous sommes tous responsables d’assurer le bon fonctionnement de cette institution, et nous devons éviter de la discréditer ou de nous discréditer les uns les autres.
Il est évident qu’en ordonnant à Mme Korn de changer ma lettre d’opinion à mon insu, la sénatrice Moncion a voulu me discréditer. Je dois dire que je ne peux m’imaginer comment une sénatrice peut croire qu’elle a le pouvoir d’ordonner tout simplement la réécriture d’une lettre rédigée par un autre sénateur, à moins, évidemment, qu’elle ait la dangereuse impression d’être supérieure aux autres, de détenir la vérité et que toute opinion dissidente doit être non pas débattue, mais supprimée.
(1610)
Le comportement de la sénatrice Moncion et de Mme Korn s’inscrit dans la tendance générale du gouvernement libéral de ne reculer devant rien pour réduire au silence les dissidents et l’opposition. Cet événement est survenu quelques semaines seulement après que les sénateurs nommés par M. Trudeau ont adopté, dans le cadre d’une motion d’attribution de temps, une série de changements au Règlement dans le but de réduire les pouvoirs de l’opposition conservatrice. Évidemment, la sénatrice Moncion s’est rangée du côté du gouvernement Trudeau et a voté en faveur d’une réduction des pouvoirs de l’opposition.
La sénatrice Moncion est une ardente défenseure du gouvernement libéral qui a adopté le projet de loi C-11, une mesure législative qui accorde à deux organismes gouvernementaux la capacité de réglementer le contenu généré par les utilisateurs. Elle a voté en faveur de ce projet de loi. Le gouvernement libéral a présenté le projet de loi C-63, un autre projet de loi qui vise à donner au gouvernement le pouvoir de contrôler ce qui se dit sur Internet. Je suis convaincu que, si le projet de loi arrive au Sénat, la sénatrice Moncion l’appuiera.
Lors de leur dernier congrès national, les libéraux ont voté pour la mise en œuvre d’une politique faisant en sorte que les nouvelles en ligne proviennent seulement de sources vérifiables par le gouvernement. C’est une preuve de plus de cette tendance du gouvernement libéral à voir seulement sa vision de l’histoire dans les tribunes publiques. Or, les médias ont découvert de nombreuses demandes que le gouvernement libéral a envoyées aux entreprises de médias sociaux pour supprimer des commentaires peu favorables à son image. Il semblerait que ce que la sénatrice Moncion et Mme Korn ont fait est monnaie courante dans les cabinets ministériels.
Compte tenu de tout cela, il n’est pas étonnant que la sénatrice Moncion ait pensé qu’il était normal de museler un sénateur conservateur. Ces libéraux détiennent la vérité et ne supportent pas qu’on s’oppose à eux.
Dans un sondage Léger réalisé au printemps, on a questionné les Canadiens sur l’état actuel de la liberté d’expression au pays. Il est choquant de constater que 57 % des personnes interrogées estimaient que la liberté d’expression au Canada est quelque peu ou gravement menacée. Elles ont de bonnes raisons de penser cela. Ce qui m’est arrivé cet été le prouve.
En conclusion, Votre Honneur, je pense que vous constaterez que les actions de la sénatrice Moncion et de Mme Korn ont clairement violé les droits et libertés qui me sont garantis par la Charte en tant que Canadien. Vous constaterez également que ces gestes sortent du cadre de la charge de la sénatrice Moncion et de Mme Korn à titre de présidente du Comité de la régie interne et de membre de l’Administration du Sénat, respectivement.
Enfin, je pense que vous constaterez que la sénatrice Moncion a mal agi envers un collègue en ne respectant pas les usages habituels nécessaires au bon fonctionnement du Sénat. Certaines personnes, y compris des sénateurs, se demandent peut-être pourquoi je n’ai pas plutôt soulevé une question de privilège, étant donné que mes droits ont été clairement bafoués. Votre Honneur, le privilège parlementaire est défini de manière très étroite, et la liberté d’expression d’un sénateur n’est un privilège que dans le cadre des débats dans l’enceinte du Sénat.
Il y a quelques mois, quand une question de privilège a été soulevée, j’ai avancé l’argument selon lequel le privilège devait être défini avec précision. Cependant, Votre Honneur, vous avez décidé en décembre dernier d’aller au-delà de la jurisprudence et d’élargir la portée du privilège parlementaire. Vous avez fait valoir que le Sénat évolue et qu’il n’est plus la même institution qu’il y a quelques années.
La composition et la culture du Sénat ont changé, comme vous l’avez signalé avec justesse, alors vous voudrez peut-être utiliser le même argument dans le cas présent et décider que ce qu’ont fait la sénatrice Moncion et Mme Korn constituait bel et bien une atteinte au privilège. Je serais heureux de soulever la question en présentant une motion de fond, après préavis, comme le prévoit l’article 13-2 du Règlement.
Votre Honneur, vous conclurez également peut-être que les actions de la sénatrice Moncion et de Mme Korn étaient si graves qu’elles constituent un outrage au Sénat. Nous pourrons alors débattre des étapes suivantes.
Enfin, j’invite tous les sénateurs à réfléchir à ce qu’ils ressentiraient si la même chose leur arrivait un jour. Comme je l’ai dit, la présidence du Comité de la régie interne sera un jour assurée par un conservateur. La présidence du Sénat sera assurée par un conservateur d’ici environ un an. Voulez-vous voir la Présidente du Sénat rendre une décision stipulant que le Président du Sénat ou le président du Comité de la régie interne a le pouvoir de modifier votre lettre d’opinion parce qu’il n’aime pas la façon dont vous présentez les faits? Le Sénat du Canada doit-il s’engager dans cette voie dangereuse et irréversible? Est-ce là le nouveau Sénat que vous souhaitez?
Je vous remercie de votre attention.
Son Honneur la Présidente : Je vois deux sénatrices se lever. La sénatrice Batters s’est levée en premier. Je donnerai ensuite la parole à la sénatrice Moncion.
L’honorable Denise Batters : Merci, Votre Honneur.
Votre Honneur, j’ai été la vice-présidente du Comité de la régie interne du Sénat pendant environ deux ans et demi, à savoir de l’automne 2017 au printemps 2020. J’ai donc été profondément alarmée quand le sénateur Plett a invoqué le Règlement aujourd’hui pour parler du fait que la présidente de ce comité, la sénatrice Moncion, avait chargé Mme Korn de communiquer avec le Hill Times pour apporter cette correction médiatique.
Ce n’est pas la présidence qui devrait prendre une telle initiative. C’est le rôle du comité directeur du Comité de la régie interne, généralement composé de quatre membres — la présidence, la vice-présidence et les autres membres — de donner ces instructions, pas seulement de la personne présidant le comité. Cette dernière n’a pas l’autorité royale de donner ce type d’instructions.
Lorsque j’étais vice-présidente du Comité de la régie interne, Mme Alison Korn occupait la même fonction qu’actuellement au sein de ce comité et envoyait régulièrement des courriels au sujet des demandes des médias et des commentaires aux sénateurs siégeant au comité directeur du Comité de la régie interne. En tant que vice-présidente, je prenais ce rôle au sérieux. J’examinais avec diligence les courriels, et je demandais des modifications aux commentaires au besoin ou j’approuvais ces derniers si des modifications n’étaient pas nécessaires. C’est ainsi que Mme Korn a procédé pendant des années lorsque j’étais vice-présidente.
J’ignore pourquoi la présidente actuelle, la sénatrice Moncion, a demandé à Mme Korn de contourner le comité directeur du Comité de la régie interne et de réclamer à la place une correction médiatique basée uniquement sur la consigne d’un membre du comité directeur, et non des quatre, sans même demander le consentement du vice-président conservateur du Comité de la régie interne, ni même de l’en informer. Par conséquent, et compte tenu de ce contexte, je soutiens le rappel au Règlement du sénateur Plett dans cette affaire. Merci.
[Français]
L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, en tout respect, ce recours au Règlement n’est pas fondé. Pour les fins des délibérations, ma contribution sera axée sur le rôle et le mandat du comité directeur du Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration en matière de relations avec les médias, et je vais laisser de côté tous les commentaires qui ont été faits en ce qui concerne mes choix et mes préférences politiques. Je vais donc m’en tenir aux faits.
Il relève du mandat du comité directeur du Comité de la régie interne de fournir des informations factuelles aux médias et, ultimement, aux Canadiennes et Canadiens. Dans une démocratie, il est essentiel de garantir que l’information diffusée sur nos institutions soit véridique, afin d’éviter de contribuer même passivement à la propagation de la mésinformation et de la désinformation qui caractérisent notre paysage médiatique. Le Comité de la régie interne a adopté un processus décisionnel afin d’habiliter le comité directeur à fournir des informations factuelles aux médias en créant le poste de conseillère en matière de relations avec les médias et en gestion des enjeux. Ce processus nous permet d’aviser les médias lorsqu’un article ou un éditorial contient des informations erronées en leur fournissant la bonne information, le cas échéant.
Au cours de l’été, nous avons dû exercer une vigie constante afin de fournir à certains médias des informations factuelles au sujet des finances du Sénat. Une fois qu’un journal détient les informations factuelles, celui-ci est libre de modifier un article, de le retirer ou de le laisser tel quel. Je répète : le journal est libre d’apporter des correctifs. Bien évidemment, le comité directeur du Comité de la régie interne ou la conseillère n’ont pas le pouvoir de contraindre un journal à faire quoi que ce soit. La liberté de presse permet au journal d’apporter ou non des modifications. Notre processus actuel de relations avec les médias remonte à 2015, quand le personnel du président et de la vice-présidente du Sous-comité des communications s’occupait des relations avec les médias et des fonctions de porte-parole au nom du Comité de la régie interne. À l’époque, le sénateur Housakos, président, et la sénatrice Cordy, vice-présidente, étaient à la tête du comité directeur et du Sous-comité des communications.
[Traduction]
Le poste de conseillère en relation avec les médias et gestion des enjeux a été créé à la suite du treizième rapport du Comité de la régie interne et du rapport de Blueprint de 2015. Les recommandations et principes donnés dans le rapport de Blueprint concernant ce poste demandent qu’une fonction moderne de gestion des dossiers et de relation avec les médias soit mise en œuvre, qu’un porte-parole soit nommé et que les parlementaires répondent au nom des parlementaires. Ce rôle correspond aux principes du rapport de Blueprint et, ce qui est peut-être le plus important, c’est que les parlementaires répondent au nom des parlementaires.
(1620)
En 2017, le Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration a approuvé la création du poste de conseiller en relation avec les médias et en gestion des enjeux et le poste a été pourvu. La description de poste a été revue et mise à jour en 2021 et la nouvelle version a été approuvée par le comité directeur. Le conseiller en relation avec les médias et en gestion des enjeux est responsable de veiller à ce que les médias reçoivent une réponse précise en temps opportun à toutes les demandes concernant des questions qui relèvent du Comité de la régie interne. Au besoin, cela peut comprendre la communication de corrections à apporter. En ce qui concerne la couverture médiatique des questions qui relèvent du Comité de la régie interne, c’est le comité directeur du Comité de la régie interne qui est en responsable, ce qui correspond au principe voulant que les parlementaires répondent au nom des parlementaires.
Maintenant, au cours de l’été, sénateur, plus d’un article a été publié et plus d’une correction a été envoyée. Vous l’avez mentionné, au cours des dernières années, environ 75 demandes de correction ont été envoyées à des journalistes. Nous avons envoyé des demandes de correction... je ne vous ai pas interrompu et vous ne devriez pas m’interrompre.
Pour vous répondre, sénatrice Batters, l’information et les demandes de correction ont été transmises au comité directeur. Chaque fois qu’une correction a été demandée, le comité directeur avait d’abord donné son approbation.
[Français]
Je me permets maintenant de profiter de cette occasion pour fournir des informations factuelles au sujet du budget. À l’ère de la désinformation et de la mésinformation, nous devons renforcer notre vigilance et notre discernement face aux informations que nous recevons. À titre de présidente du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration du Sénat, j’estime qu’il est primordial et qu’il est de mon devoir de vous fournir un point de référence fiable et intègre relativement aux questions budgétaires de cette institution. L’information que je vous donne aujourd’hui est donc factuelle et elle a été répertoriée et vérifiée assidûment par la Direction des finances et de l’approvisionnement du Sénat.
[Traduction]
D’abord, il importe de comparer les dépenses réelles avec les dépenses réelles ou les budgets avec les budgets. Un budget se distingue des dépenses réelles qui sont connues à la fin de l’exercice seulement. Par conséquent, pour analyser la hausse au fil des ans, on ne peut pas tirer de conclusions en comparant, par exemple, les dépenses d’un exercice et le budget d’un autre. Il ne fait aucun doute que le pourcentage de la hausse serait important parce que nous prévoyons systématiquement un coussin pour permettre une gestion financière prudente.
À l’exercice 2014-2015, les dépenses du Sénat s’élevaient à 85,4 millions de dollars. À l’exercice 2022-2023, elles étaient de 104,9 millions de dollars. Par conséquent, entre 2014-2015 et 2022-2023, les dépenses réelles du Sénat ont augmenté de 22,8 % sur huit ans. Cette hausse suit de près le taux d’inflation de 21 % pendant la même période.
Pour ce qui est de l’exercice 2023-2024, les dépenses réelles seront publiées dans les Comptes publics du Canada cet automne. Je ne manquerai pas de communiquer l’information au Sénat dès que possible.
Pour ce qui est des budgets, la hausse annuelle est de 4,2 % en moyenne pour les 10 dernières années. Le Sénat reste régulièrement en deçà de son budget avec 10 % de sommes excédentaires chaque année, qui sont rendues au fonds central. Le Sénat n’a jamais dépassé son budget.
En 2014-2015, le budget du Sénat s’élevait à 91,5 millions de dollars, et il était de 134,9 millions de dollars pour 2024-2025, ce qui correspond à une hausse globale de 47 % en 10 ans. Encore une fois, je tiens à rappeler à tout le monde que l’on ne peut pas comparer une hausse des dépenses et une augmentation des budgets. Ce serait comparer des pommes et des oranges.
En conclusion, je répète que le recours au Règlement est sans fondement, et j’espère que mes observations vous aideront, Votre Honneur, à vous faire une opinion à ce sujet. Je vous remercie.
L’honorable Marilou McPhedran : Je vous remercie beaucoup, Votre Honneur. Merci, sénateur Plett, d’avoir porté à notre attention des actes qui sont souvent tenus secrets au Sénat. Je suis ici depuis maintenant huit ans et je suis toujours étonnée de la passion que cette enceinte nourrit pour le secret. Je suis vraiment heureuse d’avoir l’occasion de répondre à ce sujet et je suis également reconnaissante à la sénatrice Moncion pour les renseignements qu’elle nous a transmis.
Je vous invite à examiner les points qui ont été soulevés devant vous aujourd’hui à la lumière de la conduite du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration telle qu’elle ressort de plusieurs affaires judiciaires liées au sénateur à la retraite Michael Duffy. Je vous prie également de prêter attention aux observations du juge Vaillancourt dans la décision qui a entièrement disculpé le sénateur Duffy, à la retraite, qui faisait face à 31 chefs d’accusation.
Quand on lit cette décision, on voit très clairement que les préoccupations que le juge a relevées en matière de conduite étaient des préoccupations relatives au Sénat et au Cabinet du premier ministre dans le contexte de la disculpation complète du sénateur Duffy.
Je demanderais qu’une attention particulière soit portée au fait que des tribunaux, y compris la Cour suprême du Canada, ont rendu des décisions très claires et refusé d’entendre d’autres appels du sénateur Duffy, dont l’argument reposait essentiellement sur ce qu’il percevait comme son droit protégé par la Charte. J’ai lu ces décisions judiciaires, dont je vous prie de tenir compte dans votre réponse, et la triste et choquante vérité, c’est que les sénateurs ne peuvent pas invoquer leurs droits protégés par la Charte en tant que sénateurs en raison de l’autogouvernance du Sénat. Il s’agit d’un circuit fermé dont la validité a été confirmée dans de récentes décisions judiciaires et qui est gouverné par une certaine interprétation du privilège parlementaire qui fait en sorte que le pouvoir du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, au sommet de la classe dirigeante du Sénat, est pratiquement illimité et n’est certainement pas restreint par les droits individuels des sénateurs en vertu de la Charte.
Je vous demanderais, dans votre considération des questions soulevées, de tenir compte de cela et des conditions actuelles auxquelles nous sommes confrontés. Merci beaucoup.
[Français]
L’honorable Claude Carignan : Votre Honneur, je voudrais dire quelques mots pour préciser le contexte. La sénatrice Moncion a parlé du processus qui a été mis en place depuis 2015 pour nos relations avec les médias, mais aussi pour la gestion de certains enjeux. Effectivement, le comité directeur va de temps à autre faire des corrections, mais c’est toujours dans le cas où ce sont des reportages externes qui sont présentés par rapport au Sénat, jamais quand c’est un sénateur lui-même qui s’exprime. Le fait de corriger un sénateur sur ce qu’il affirme, je crois que c’est la première fois que je vois cela depuis que ce processus a été établi. Pour ma part, j’ai suggéré qu’on refasse une procédure. Il y a peut-être un processus qui peut être mis en place; c’est d’ailleurs ce que j’ai suggéré aux gens responsables des communications. Lorsqu’on veut corriger un sénateur, on devrait d’abord lui poser les questions suivantes : « Vous êtes-vous trompé? » « Avez-vous les bons chiffres? »« Est-ce vraiment ce que vous vouliez dire, parce que ce n’est pas cela qui est exprimé? » Si la personne dit : « Oui, c’est ce que je voulais dire et c’est conforme à mon opinion », le Sénat ou les services de communications ne peuvent pas intervenir pour corriger un texte d’opinion ou une lettre d’opinion que présente un sénateur. La façon de faire cela, ce serait que le comité dise par la suite : « Nous émettons également une lettre d’opinion et nous contestons ceci. »
(1630)
Il est possible qu’il y ait des intérêts opposés — on l’a vu dans des dossiers de suspension et dans le cas de la sénatrice Beyak —, mais cela doit se faire par le biais de communications distinctes, et non en s’introduisant dans la lettre ou l’opinion présentée par un sénateur pour corriger celle-ci. Je pense que la nuance est là. Quand j’ai vu ce qui s’était produit, effectivement, j’ai trouvé que cela atteignait le privilège du sénateur. C’est sérieux. Il y a des façons de faire autrement pour respecter les droits de chacun. Voilà ce que je vous suggère.
[Traduction]
L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, il s’agit d’un recours au Règlement important. Il concerne nos droits, le fonctionnement du Sénat et les principes fondamentaux de la démocratie. Avec tout le respect que je vous dois, sénatrice Moncion, dans votre réfutation du recours au Règlement, vous avez soulevé des questions de fond, mais elles portaient sur des problèmes fondamentaux relatifs au budget et elles visaient à savoir si cette institution a été financièrement responsable au cours des dix dernières années — plus ou moins —, ce qui n’a rien à voir avec le recours au Règlement. Le recours au Règlement concerne l’article d’opinion du sénateur Plett. Vous étiez libre d’intervenir dans le débat, de discuter de l’article et de rédiger une réfutation au nom du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration pour exprimer votre opinion selon laquelle, au cours des dix dernières années, cette institution a été l’incarnation de la responsabilité budgétaire et de la transparence et qu’elle est meilleure aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a dix ans. Vous en avez le droit.
Toutefois, en tant que présidente du Comité permanent de la régie interne, vous n’avez pas le droit — pas plus que personne au Sénat, que ce soit la Présidente, le leader du gouvernement au Sénat ou le leader de l’opposition — de parler au nom des sénateurs et de corriger ce que vous pensez être de la désinformation ou de la mésinformation. Il ne vous appartient pas de prendre cette décision. Il vous appartient plutôt d’opposer une réfutation dans le cadre d’un débat, rien de plus, rien de moins.
Sur ce recours au Règlement, il est important pour moi de souligner que, lors de l’examen du plan directeur du service des communications du Sénat, nous étions peu nombreux. Il se trouve que j’étais le président du comité qui a mené cet examen, en compagnie du sénateur Dawson et, je crois, du sénateur Wells et d’un petit nombre d’entre nous qui sont toujours sénateurs.
Permettez-moi de clarifier les faits. Notre objectif à l’époque était de faire en sorte que l’administration, les ressources humaines et la communication cessent de parler en votre nom à tous. Nous sommes un organe parlementaire indépendant. Le Comité de la régie interne n’est pas le patron administratif de cette institution; c’est chacun d’entre nous qui l’est. En définitive, nous sommes responsables de notre propre comportement et de l’administration de cette institution. Nous nommons le président, le comité directeur et les membres du Comité de la régie interne pour assurer le fonctionnement quotidien et mensuel du Sénat, mais c’est à nous qu’ils doivent rendre des comptes au final.
À l’époque, nous pensions qu’il incombait au Comité de l’économie interne d’avoir un porte-parole qui puisse parler au nom du président et du comité. J’ai engagé Alison Korn pour travailler au comité et, à moins que le Comité de l’économie interne ne les ait modifiées, ses instructions à l’époque consistaient à communiquer la volonté du comité directeur et à s’occuper des corrections qui devaient être apportées dans l’opinion publique et dans les médias au sujet de la mésinformation dans les articles, les reportages et autres dont nous sommes constamment les victimes. Cependant, elle n’a jamais eu le droit de corriger l’opinion d’un sénateur, même moi, en tant que président, je n’avais pas ce droit.
Le sénateur Plett a écrit une lettre d’opinion. Il ne s’agissait pas d’une entrevue au cours de laquelle il affirme quelque chose au sujet de l’administration actuelle du Comité de l’économie interne qui pousse un journaliste à contacter le comité afin de lui demander s’il approuve la déclaration du sénateur Plett. Dans un tel cas, le comité serait libre de contredire son opinion, de la réfuter et de lancer un débat. Cependant, il ne s’adresserait pas à un organe de presse au nom d’un sénateur... De plus, d’après ce que j’ai compris, Mme Korn a présenté la chose au Hill Times comme si elle apportait une correction à la lettre d’opinion du sénateur Plett. Elle la modifiait.
La vérité — d’après les renseignements que j’ai obtenus du Hill Times —, c’est que la seule raison pour laquelle ils ont acquiescé, c’est parce qu’ils pensaient qu’elle parlait au nom du sénateur Plett, qu’elle le représentait. C’est la seule raison pour laquelle ils ont accepté un acte aussi grotesque commis au nom d’un collègue. Cette situation va au-delà d’un simple recours au Règlement et devrait préoccuper chacun d’entre nous : une collègue pense que sa fonction, que nous lui avons accordée, lui donne le droit de gérer l’opinion d’un sénateur. Nous pouvons être en désaccord quant à savoir si vous faites du bon travail ou non avec l’Administration du Sénat sur le parquet du Sénat. Nous pouvons même avoir des désaccords en ce qui concerne l’opinion publique, les entrevues publiques, les échanges et les lettres d’opinion, mais je n’ai pas le droit de demander à mon personnel d’appeler n’importe quel organe de presse au pays pour faire modifier ce que vous dites, sénateur, et personne ne devrait avoir le droit de faire cela au sénateur Plett ou à qui que ce soit d’autre.
Votre Honneur, je pense que ce rappel au Règlement est crucial. Je pense que le Comité de la régie interne est allé trop loin. C’est inacceptable. En outre, je tiens à souligner que lorsque nous avons mis en place des changements et procédé à l’embauche de la porte-parole, Alison Korn, et de la personne qui l’a précédée, le comité avait décidé — sans même prendre ce cas-ci comme exemple — qu’en ce qui concerne les demandes des médias portant sur une question touchant un sénateur, il ne ferait jamais de commentaires sans d’abord offrir l’occasion au sénateur de répondre à la question. Nous n’avons pas ménagé nos efforts pour consolider le respect envers les 105 sénateurs et préserver leur autorité. Par conséquent, nous devrions tous considérer comme inacceptable la décision du Comité de la régie interne d’agir comme il l’a fait à l’égard du sénateur Plett, sans même l’en informer. Je vous remercie, Votre Honneur.
L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, nous avons entendu beaucoup de choses au sujet du rappel au Règlement. Nous avons entendu parler des budgets et de la question de savoir s’ils étaient justes ou si nos dépenses avaient dépassé le budget. Le fait qu’un sénateur estime que quelque chose a été présenté d’une manière qu’il n’aurait pas lui-même choisie n’a rien à voir avec la question. Le fait que le sénateur Plett ait pu disposer de renseignements inexacts — ce qui n’est pas le cas — n’a rien à voir non plus. Le fait qu’un autre sénateur n’ait pas été d’accord avec la manière dont les choses ont été présentées n’a rien à voir non plus. À l’évidence, la sénatrice Moncion s’est servie de son titre de présidente du Comité de la régie interne pour demander au personnel d’intervenir dans un processus qui n’est absolument pas de son ressort. Je n’aurais pas pu appeler Mme Korn pour lui donner cette directive. Le sénateur Quinn n’aurait pas pu donner cette directive à Mme Korn, ni le sénateur Plett. La seule personne qui pouvait donner cette directive à Mme Korn, c’était la présidente du Comité de la régie interne. Si cela m’arrivait, je serais absolument furieux.
La présidente du Comité de la régie interne n’avait manifestement pas le droit de le faire. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que si l’on n’est pas d’accord avec ce qu’écrit quelqu’un, on ne va pas le modifier. On peut y réagir ou rédiger une lettre d’opinion. On peut y répondre. C’est la voie à suivre, et il n’est pas acceptable d’utiliser les ressources du Sénat qui sont à sa seule disposition pour agir de la sorte.
L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, j’aimerais dire quelques mots. La plus grande partie de ce qui doit être dit a déjà été dite. Dans l’environnement politique dans lequel nous évoluons, il est trop facile de lancer des mots tels que « mésinformation » et « désinformation ». Ces mots sont devenus des outils politiques. Ce qui est de la mésinformation ou de la désinformation dépend du point de vue de l’interlocuteur. Si vous n’êtes pas d’accord avec moi et que je n’aime pas votre point de vue, je peux alors déclarer qu’il s’agit de mésinformation. Si on ne s’entend pas sur les faits, qu’il s’agisse du budget ou de crédits, alors je parlerai de mésinformation ou de désinformation.
En l’occurrence, le concept de base est la liberté d’expression, le droit d’exprimer notre pensée. C’est le fondement d’une lettre ouverte, d’une lettre d’opinion. Une telle lettre permet aux gens d’exprimer ce qu’ils pensent, ce qu’ils ressentent. On peut y avoir raison ou tort. Il est possible qu’elle contienne des erreurs. Elle peut aller à l’encontre de vos croyances ou de celles d’autres personnes, ou même de ce en quoi vous avez déjà cru. Tout le monde peut changer. Mais une lettre d’opinion, ce n’est qu’une lettre d’opinion.
(1640)
Je suis consciente que, dans les médias, les journaux et, assurément, sur nos écrans de télévision, la démarcation entre les opinions et les reportages fondés sur les faits est de plus en plus floue. Il est de plus en plus difficile de faire la distinction, mais j’estime qu’il est fondamental que nous y mettions un frein dès le début de cette discussion au Sénat.
J’hésite à utiliser l’exemple américain, mais nous pouvons constater ce qui se passe et tenter d’éviter que notre pays et notre institution s’engagent dans la même voie. Je me suis souvent exprimée, dans cette enceinte et au sein du comité, sur la question de la censure et au sujet de certains projets de loi que je trouve très troublants.
C’est à cette limite que nous nous situons. On ne peut pas modifier le point de vue d’une autre personne, sauf de la manière que d’autres sénateurs ont suggérée, c’est-à-dire en répliquant, en rédigeant son propre article ou en prenant la parole sur les ondes. Il existe plusieurs manières de réfuter l’opinion d’une personne avec laquelle on n’est pas d’accord, mais on ne peut pas modifier sa pensée et on ne peut assurément pas modifier ses paroles — certainement pas sans s’entretenir directement avec elle. Il s’agit d’une question très importante. Merci.
Des voix : Bravo!
[Français]
La sénatrice Moncion : Votre Honneur, j’aimerais vous fournir l’information pour que vous puissiez la vérifier. Un courriel m’a été envoyé le 21 août au sujet de la correction à apporter. Lorsque j’ai demandé à Alison de transmettre l’information au comité directeur, elle m’a demandé ce qui suit dans son courriel :
Pourriez-vous, s’il vous plaît, me faire savoir si vous souhaitez que j’aille au comité directeur avec une demande de correction?
Elle a identifié la phrase en question. J’ai répondu à Alison la même journée en lui disant : « Bonjour, Alison. Oui, s’il vous plaît. » Le comité directeur a donc été informé.
Il y a de l’information inexacte dans ce qui a été présenté. Alison a travaillé dans le cadre de son mandat. Elle m’a demandé la permission d’aller au comité directeur. Le comité directeur du Comité de la régie interne a approuvé la demande. On a tout fait dans les règles de l’art.
L’autre commentaire que j’aimerais faire ici est le suivant : si la procédure ne convient plus, il faut que la question soit confiée au Comité de la régie interne et que le dossier soit étudié. Ce dossier figure effectivement sur la liste des dossiers que nous allons examiner au comité directeur et au Comité de la régie interne.
Je vous remercie, Votre Honneur.
Le sénateur Carignan : Je voudrais juste faire une précision. La sénatrice Moncion a dit que le comité directeur avait approuvé la demande. Je siège au comité directeur, mais j’étais à l’extérieur du pays, avec le décalage horaire, dans un endroit paradisiaque. Je n’ai pas reçu ce courriel en temps opportun et je n’ai pas donné mon accord pour qu’on apporte cette correction. Je voulais que ce soit bien clair. Merci.
La sénatrice Moncion : Je vais vous corriger, honorable sénateur, parce que nous avons parlé avec votre adjoint et nous avons eu un échange de courriels par rapport à cette question. Je ne suis pas nécessairement d’accord avec vous pour dire qu’on peut sortir l’information.
Le sénateur Carignan : Mon adjoint était sinistré à la suite des inondations. Il n’a pas donné son accord.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Votre Honneur, pourrais-je...
Son Honneur la Présidente : Pouvez-vous être bref?
Le sénateur Plett : Ce sera court. Je n’ai que quelques remarques à faire. Je vous prie de m’excuser, Votre Honneur, mais il s’agit de mon recours au Règlement.
Très franchement, Votre Honneur, je pensais que nous finirions par entendre un mot d’excuse — l’aveu d’une erreur ou d’une ligne qui a été franchie — et que l’affaire serait réglée très rapidement. La sénatrice Moncion savait manifestement que j’allais soulever cette question. Elle avait d’ailleurs bien préparé ses notes à ce sujet. Elle ne m’a jamais appelé. À présent, elle persiste et signe, et c’est ce qui m’effraie le plus, Votre Honneur. Il ne fait aucun doute que ce qu’elle a fait est mal. Reste à savoir si vous allez trancher en ma faveur dans ce recours au Règlement.
Toutefois, il ne fait aucun doute que changer l’opinion de quelqu’un, écrire : « Don Plett a changé d’avis; il ne croit plus cela » — car c’est bien ce qu’on a fait... Ils ont dit au Hill Times : « Don Plett a changé d’opinion sur ce sujet ». Ensuite, elle a insisté et elle a mis la faute sur le comité directeur. Enfin, un membre du comité directeur a dit qu’il se trouvait à l’extérieur du pays. Alors, elle a dit : « Eh bien, nous avons parlé à votre personnel. »
C’est bien là le problème. C’est d’abord elle qui a demandé à son personnel de faire ce qu’elle a fait. Elle aurait dû m’appeler et me dire : « Don, votre chiffre de 85 millions de dollars est erroné; il s’agit plutôt de 91 millions de dollars. » Nous aurions pu en débattre.
Le sénateur Housakos : Elle n’aurait jamais dû agir ainsi, point final.
Le sénateur Plett : Toutefois, le fait est qu’il s’agit d’une opinion. C’était mon opinion, et elle était correcte.
Ce que je redoute, Votre Honneur, c’est que la présidente pense qu’elle a le droit de changer l’opinion des gens; c’est ce qu’elle croit. Ce Sénat tout entier… elle dit qu’elle a communiqué avec le comité directeur. Elle aurait pu communiquer avec 99 sénateurs et faire en sorte que 98 d’entre vous lui donnent leur accord. Ces 98 sénateurs n’auraient pas eu le droit de changer mon texte d’opinion. La seule personne dont l’avis comptait, c’était moi, car il s’agissait de mon article d’opinion. La sénatrice Moncion pense que si elle demande à suffisamment de gens, elle pourra faire changer les choses.
Votre Honneur, une seule chose compte : quelqu’un a changé ce que je pensais. C’est mal. Le nombre de personnes à qui elle a posé la question est sans importance. Si cela avait été un article de presse, une entrevue, alors elle aurait pu faire un certain nombre de choses. Elle aurait pu m’envoyer un courriel. Elle aurait pu envoyer une copie à tout le Sénat et dire : « Le sénateur Plett fourni de faux renseignements ». La seule chose qu’elle n’aurait pas pu faire, c’est appeler le journal Hill Times et dire : « Donald Plett a changé d’avis. »
Votre Honneur, je m’en tiens à cela. Je sais que vous ferez ce qu’il faut et j’attendrai votre réponse. Je vous remercie.
[Français]
Son Honneur la Présidente : Je profite de l’occasion pour remercier tous les collègues qui ont participé au débat. C’est une question importante dans le cadre du recours au Règlement et je vais la prendre en délibéré. Merci beaucoup.
(1650)
Le Tarif des douanes
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénatrice Ataullahjan, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-204, Loi modifiant le Tarif des douanes (marchandises en provenance du Xinjiang).
L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est à son 15e jour et je ne suis pas prête à intervenir. Par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-15(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat pour le temps de parole qu’il me reste.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Le débat est ajourné.)
Projet de loi sur l’intégrité du secteur public
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’honorable Pierre J. Dalphond propose que le projet de loi C-290, Loi modifiant la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles et apportant une modification corrélative à la Loi sur les conflits d’intérêts, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’entamer aujourd’hui l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-290, Loi modifiant la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles et apportant une modification corrélative à la Loi sur les conflits d’intérêts. Avec un titre aussi long, je vous assure que je ne prendrai pas 45 minutes.
En bref, il s’agit d’un projet de loi proposant de modifier la loi sur les lanceurs d’alerte ou divulgateurs, qu’on appelle en anglais des whistle-blowers.
Unanimement adopté à l’autre endroit le 31 janvier 2024, y compris avec les votes du premier ministre et de la présidente du Conseil du Trésor, ce projet de loi vise à améliorer, voire à moderniser la loi actuelle, qui n’a pas été modifiée depuis 18 ans, afin d’accorder plus de protection aux fonctionnaires lanceurs d’alerte et, ainsi, encourager plus de fonctionnaires à agir lorsque cela est nécessaire. Je tiens à remercier le député Jean-Denis Garon — que je salue à la tribune —, qui est l’initiateur de ce projet de loi et qui l’a fait cheminer avec grand succès à la Chambre des communes, et je le remercie également d’avoir pensé à moi pour le parrainer au Sénat.
Dans une démocratie, les fonctions étatiques sont exercées par différentes organisations indépendantes, dont le gouvernement, les tribunaux et la fonction publique. Notre fonction publique est professionnelle, compétente et dévouée. Selon un rapport britannique de 2017, le service public canadien est le plus efficace au monde parmi les 31 pays étudiés. Je vous laisse tirer vos conclusions : s’il est le plus efficace des 31 pays étudiés, imaginez les autres, mais c’est tout de même une fonction publique dont nous sommes fiers.
Chacun de ses membres doit être commis au service public et à sa bonne gestion. Cela comprend le devoir de tirer la sonnette d’alarme face à des actes répréhensibles, et non fermer les yeux et rester silencieux.
Remplir ce devoir comporte cependant des réserves. Le lanceur d’alerte peut se retrouver menacé, victime de chantage, de rétrogradation et de mise à l’écart, accusé de manque de loyauté, ou soumis à des conséquences financières et psychologiques.
Conscient de ces risques, le Parlement a adopté une loi en 2005 dans le but de protéger les fonctionnaires divulgateurs et ainsi encourager la dénonciation d’actes contraires à la mission de la fonction publique, qui est de bien servir les Canadiens.
Mon propos évoquera tout d’abord l’historique de la loi actuelle, puis je traiterai du Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada, qui a été créé par cette loi. J’aborderai ensuite les critiques et lacunes du système actuel et je terminerai avec les modifications que propose de faire le projet de loi C-290, qui a été adopté unanimement aux Communes.
Commençons par l’historique.
La Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles est une conséquence du scandale des commandites.
En 1996, peu après le dernier référendum québécois sur la souveraineté, qui a été défait par une marge d’à peine 2 %, le gouvernement fédéral a lancé un programme pour promouvoir le fédéralisme au Québec par l’intermédiaire de la commandite d’événements culturels et sportifs. Avec un budget annuel de 40 millions de dollars, ce programme reposait essentiellement sur l’octroi de contrats à des agences de publicité.
Entre 1999 et 2002, les journalistes Daniel Leblanc et Campbell Clark, qui travaillaient alors au Globe and Mail et à qui je rends hommage, ont publié des dizaines d’articles qui ont révélé de graves anomalies, comme des paiements pour des services non rendus, une double facturation ou encore des choses inacceptables, comme l’achat de billets pour des loges coûteuses au Grand Prix de Montréal. Certes, l’achat de ces billets pouvait être considéré comme une retombée économique intéressante, mais ce n’est sûrement pas la mission de l’État de financer l’achat de billets dans des loges. Le tout était agrémenté parfois de commissions à des intermédiaires bien influents au sein de la fonction publique ou du Parti libéral, qui était alors au pouvoir.
La commission d’enquête présidée par mon ancien collègue le regretté juge John Gomery a mis au jour certaines pratiques inacceptables au sein de la fonction publique qui étaient de surcroît connues par plusieurs, mais jamais dénoncées.
Il y eut ensuite le projet de loi C-11, Loi prévoyant un mécanisme de divulgation des actes répréhensibles et de protection des divulgateurs dans le secteur public, qui a été déposé le 8 octobre 2004.
Ce projet de loi est devenu une loi en novembre 2005, mais ses dispositions ne sont entrées en vigueur qu’en avril 2007, soit après l’élection du gouvernement dirigé par le premier ministre Harper.
Ce nouveau gouvernement a fait rapidement adopter la Loi fédérale sur la responsabilité en décembre 2006, loi qui présentait diverses mesures de transparence et de protection des dénonciateurs.
Voilà pour l’historique de la loi actuelle.
[Traduction]
Je passe maintenant à mon deuxième point. La Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles a créé le Commissariat à l’intégrité du secteur public, un organisme fédéral indépendant qui rend des comptes directement au Parlement. Il a compétence sur la plupart des organismes publics fédéraux et des organismes de propriété publique, y compris la GRC et les sociétés d’État.
(1700)
Le Commissariat à l’intégrité du secteur public a pour mandat d’enquêter sur les actes répréhensibles commis dans le secteur public fédéral et de protéger contre les représailles les dénonciateurs et les personnes mêlées aux enquêtes. Il fait rapport au Parlement des cas qu’il a traités au moyen de son rapport annuel et de rapports spéciaux qui recommandent des mesures correctives.
Lorsqu’une plainte de représailles est jugée admissible, elle est transférée au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs, qui est composé essentiellement de quelques juges de la Cour fédérale.
À l’heure actuelle, le Commissariat à l’intégrité du secteur public est un petit organisme. Son personnel est composé d’une trentaine d’équivalents temps plein, dont 7 analystes, 8 enquêteurs et 5 avocats. Cette équipe petite, mais mobile est confrontée à une augmentation constante du nombre de cas soumis. C’est un signe positif, qui montre que la culture est probablement en train de changer. Au cours des deux dernières années, les plaintes ont augmenté de manière exponentielle; elles ont triplé. Le budget, lui, n’a malheureusement pas changé, et le Commissariat a de plus en plus de mal à traiter les nouvelles plaintes ou, du moins, à les traiter dans les délais prévus.
Seulement pendant le mois d’août 2024, donc le mois dernier, le Commissariat à l’intégrité du secteur public a reçu 23 divulgations d’actes répréhensibles. Par conséquent, à la fin août, l’admissibilité de 140 dossiers était en cours d’évaluation. En effet, après avoir reçu une plainte, le Commissariat vérifie si elle répond aux exigences d’admissibilité prévues dans la loi. Si elle est admissible, des enquêteurs sont nommés et s’occupent du cas.
Je vous invite à comparer ce chiffre avec ceux des années précédentes. Par exemple, en août 2023, le commissariat analysait 61 dossiers; en août 2022, il en étudiait 38. En d’autres mots, le nombre de divulgations augmente constamment. Maintenant, il a même été multiplié par trois sur deux ans.
Le budget du commissariat reste le même, comme l’a appris le Comité des finances nationales ce matin. Si une divulgation est jugée admissible, une enquête est lancée. On compte quarante-huit enquêtes depuis janvier dernier. Pour la même période l’an passé, il y en avait 25.
En plus d’analyser les divulgations d’actes répréhensibles et d’enquêter sur celles-ci, le Commissariat à l’intégrité du secteur public doit répondre aux questions générales, notamment en donnant les meilleurs conseils possible aux personnes qui envisagent de faire une divulgation. Ce travail se voit accorder la priorité.
La charge de travail accrue n’a pas entraîné une hausse des capacités de traitement du commissariat. En fait, depuis plusieurs années, le budget approuvé par le Parlement demeure le même. Le projet de loi C-69, adopté en juin dernier, prévoit un budget de 6 millions de dollars pour l’exercice 2024-2025, par rapport à 5,8 millions de dollars pour l’exercice précédent. Cette hausse couvre à peine l’inflation.
Je saisis donc cette occasion, comme je l’ai fait ce matin au Comité des finances nationales, pour inviter le Conseil du Trésor à revoir le cadre financier du Commissariat à l’intégrité du secteur public et à apporter les ajustements nécessaires au moyen du Budget supplémentaire des dépenses qui sera bientôt déposé.
Si les dossiers ne sont pas traités avec diligence, la confiance dans le système diminuera, ce qui mènera à une diminution des plaintes. Une fois qu’un dossier est clos, le plaignant et le ministère concerné en sont informés.
Pour ce qui est des statistiques, il y a aussi le nombre de cas d’actes répréhensibles déclarés au Parlement. Depuis son entrée en fonction, le Commissariat à l’intégrité du secteur public n’a cerné que 21 cas d’actes répréhensibles ou cas exigeant des mesures correctives.
Le commissariat a aussi comme rôle important d’aider les dénonciateurs qui ont fait l’objet de mesures de représailles par la suite.
Seulement neuf dossiers ont été renvoyés au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, qui est chargé de déterminer si des mesures de représailles ont eu lieu. Dans ces neuf cas, le tribunal a conclu qu’il n’y avait pas eu de mesures de représailles.
En résumé, de plus en plus de fonctionnaires font appel aux services du commissariat pour obtenir des conseils et présentent des plaintes qui doivent être traitées, dont il faut établir l’admissibilité et qui, le cas échéant, doivent faire l’objet d’une enquête. Jusqu’à présent, les ressources semblent plutôt inadéquates.
[Français]
Les critiques exprimées depuis quelques années par diverses personnes ou études, dont un comité parlementaire, sont l’objet de mon troisième point.
Des lanceurs d’alerte qui ont utilisé le processus actuel ont fait état d’une absence de protection ou, à tout le moins, d’une protection insuffisante en matière de campagnes internes de dénigrement, de menaces sur leur lieu de travail ou à leur domicile, de procédures administratives internes afin de les punir mentalement, physiquement et financièrement, poussant certains jusqu’à la tentative de suicide. J’ai moi-même rencontré non seulement les gens du bureau de la commissaire, mais aussi des divulgateurs qui ont vécu des expériences tout à fait regrettables.
Tout cela a conduit à une perception selon laquelle les protections sont insuffisantes et entraînent une perte de confiance de la part de potentiels divulgateurs. Ces critiques émises par les divulgateurs ont été corroborées par différentes études.
[Traduction]
En 2017, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes a examiné la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles et a entendu de nombreux témoins. Le rapport mentionnait les réussites et les difficultés de la loi; il établissait une comparaison avec d’autres lois à l’étranger et il recensait six grands défis et formulait quinze recommandations pour améliorer notre cadre juridique.
[Français]
Parmi les recommandations formulées par ce comité parlementaire, j’ai noté celles qui suggèrent des amendements à la loi, dont les suivantes, que le projet de loi que nous étudions maintenant met à exécution en partie ou en totalité. Voici ces suggestions : clarifier et élargir la définition actuelle de l’expression « acte répréhensible »; élargir la définition du terme « supérieur »; abroger l’exigence concernant la bonne foi d’un divulgateur afin de déterminer si sa plainte est admissible; élargir le mandat du vérificateur général afin qu’il puisse traiter des plaintes contre le Commissariat à l’intégrité du secteur public, dans les cas de mauvais comportements adoptés par l’institution responsable d’enquêter sur les mauvais comportements; veiller à ce que la protection prévue dans la loi s’étende à toute personne ayant aidé un divulgateur et même à tout témoin; porter à 12 mois le délai prévu pour déposer une plainte pour mesure de représailles; permettre aux personnes victimes de représailles de s’adresser directement au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs; renverser le fardeau de la preuve en présumant de l’existence de représailles dans certaines circonstances, ce qui obligerait l’employeur à démontrer qu’il n’a pas exercé de représailles; enfin, faire une revue de la loi aux cinq ans.
[Traduction]
Le rapport consensuel recommandait, entre autres, tous les points que je viens de mentionner, comme l’élargissement des définitions, le renforcement de la protection des divulgateurs, le renversement du fardeau de la preuve, les conseils juridiques aux divulgateurs, l’instauration du signalement obligatoire et l’octroi au Commissariat à l’intégrité du secteur public des responsabilités en matière de formation, d’éducation et de supervision du mécanisme de divulgation interne. Malheureusement, le gouvernement n’a rien fait.
En 2021, une étude conjointe du Government Accountability Project et de l’Association internationale du barreau a examiné une cinquantaine de lois sur la protection des lanceurs d’alerte et recensé 20 pratiques exemplaires dans le monde. Le Canada s’est classé au dernier rang. En fait, parmi les 20 pratiques exemplaires en matière de transparence et d’examen, une seule est présente dans la loi canadienne. À titre de comparaison, la directive de l’Union européenne satisfait à 16 de ces 20 critères; la loi de l’Irlande, à 15; la loi de la France, à 7; et les lois du Royaume-Uni, de la Belgique et de l’Italie, à 4. Le Canada, lui, ne satisfait qu’à un seul critère.
(1710)
Je passe maintenant à la quatrième et dernière partie de mon exposé, qui porte sur le contenu du projet de loi.
[Français]
Le contenu du projet de loi qui nous est soumis répond à plusieurs recommandations du rapport de 2017 du comité de la Chambre des communes et propose d’adapter la loi à des enjeux nouveaux.
Je rends hommage au député Jean-Denis Garon, qui a fait le travail que le gouvernement hésitait à entreprendre, et ce, malgré le rapport unanime d’un comité de la Chambre des communes. Il a fallu un député de l’opposition dans un Parlement minoritaire pour que ces modifications voient le jour. De plus, il faudra notre revue et notre conclusion à l’étape de la troisième lecture pour que ce projet de loi mérite d’aller à Rideau Hall et devienne une loi. Je vous inviterais à faire cela à la fin de mon discours.
[Traduction]
Comme je l’ai mentionné, le projet de loi C-290 propose de remédier aux lacunes de la loi en vigueur en élargissant les définitions. Le projet de loi vise également à supprimer les obstacles qui découragent actuellement les dénonciateurs, tels que la crainte de représailles et le rejet des plaintes fondées sur les motifs personnels du plaignant en raison de l’exigence concernant la bonne foi, qui est un concept subjectif.
Le projet de loi prévoit la création d’un mécanisme permettant aux fonctionnaires de signaler des actes répréhensibles tout en conservant l’anonymat. Le dénonciateur serait alors mieux protégé contre les représailles, telles que le licenciement ou la rétrogradation. Même les entreprises privées qui reçoivent des contrats gouvernementaux pourraient être couvertes et protégées contre le non-renouvellement de leur contrat parce qu’elles ont divulgué des actes répréhensibles.
Permettez-moi de décrire ces propositions plus en détail.
La définition d’un « acte répréhensible » serait élargie de deux manières. Premièrement, le mot « graves » serait enlevé dans l’expression « cas graves de mauvaise gestion ». Cela abaisserait le seuil et supprimerait une étude devant être réalisée à la phase de détermination de l’admissibilité où il faut déterminer si la gestion est mauvaise au point d’être qualifiée de « grave ».
Deuxièmement, le projet de loi inclura de nouvelles formes d’actes répréhensibles, tels que les abus de pouvoir de même que l’ingérence politique et étrangère.
Le projet de loi C-290 élargira également la définition du supérieur à qui le dénonciateur doit faire son signalement de sorte que les fonctionnaires puissent faire une divulgation protégée à n’importe quel supérieur au sein de leur organisation. Ainsi, les fonctionnaires pourraient divulguer des actes répréhensibles à tout supérieur de confiance, jusqu’au sous-ministre. Les fonctionnaires hésiteront moins à soulever des préoccupations s’ils savent qu’ils peuvent s’adresser à une personne à qui ils font confiance, autre que leur supérieur immédiat.
Le projet de loi définirait par ailleurs ce qui constitue des représailles. Je vais vous faire l’énumération : sanction disciplinaire; rétrogradation; licenciement; toute mesure portant atteinte à l’emploi ou aux conditions de travail, notamment, sans s’y limiter, assignation ou mutation obligatoire du fonctionnaire; toute forme de réprimande; toute forme de discrimination; le fait de lui infliger un trouble émotionnel; tout acte ou toute omission lui causant une blessure psychologique; toute menace à cet égard.
En outre, le projet de loi C-290 prolongera le délai pour déposer une plainte concernant des représailles en le faisant passer de 60 jours, comme le prévoit la loi actuelle, à un an. Cette prolongation du délai permettra aux victimes d’évaluer pleinement leur situation, de consulter, puis de déposer une plainte.
Ce projet de loi augmenterait considérablement les amendes en cas de représailles. Certaines de ces amendes passeraient de 2 000 $ à 10 000 $ et de 5 000 $ à 100 000 $. Le projet de loi pourrait avoir de graves conséquences en cas d’atteinte à la vie privée. Ces modifications auraient un effet dissuasif important sur les acteurs malveillants potentiels qui seraient tentés de faire taire les dénonciateurs ou de les punir pour avoir parlé.
Le projet de loi prévoit un nouveau recours permettant d’indemniser un dénonciateur victime de représailles ou qui en subit les conséquences. De plus, en imposant aux supérieurs hiérarchiques l’obligation de protéger et de soutenir les fonctionnaires qui font une divulgation, les dénonciateurs pourraient se sentir plus confiants qu’ils ne le sont actuellement quand ils dénoncent des actes répréhensibles.
En outre, si une personne dépose une plainte au sujet de représailles et si, après une enquête, le commissaire est d’avis que la demande au tribunal n’est pas justifiée, ce plaignant aura le droit de présenter une demande directement au tribunal. Dans un tel cas, on passerait outre le commissaire. Le tribunal devrait alors décider si la plainte est valide et, si elle est jugée valide, il devrait décider de la solution appropriée.
Le projet de loi élargirait également le mandat de la vérificatrice générale du Canada afin d’inclure la réception de divulgations d’actes répréhensibles et de représailles mettant en cause le Commissariat à l’intégrité du secteur public. Il s’agit d’une autre des propositions dont j’ai parlé plus tôt.
Enfin, ce projet de loi prévoit tous les cinq ans la tenue d’un examen parlementaire qui permettrait de suggérer des améliorations et de s’ajuster à un contexte en constante évolution.
[Français]
En conclusion, ce projet de loi propose de nombreuses améliorations, mais il faut aussi se rappeler ce que de nombreux experts répètent, soit que même avec les plus belles intentions du monde et la loi la plus aboutie qui soit — ce qui n’est pas le cas de notre loi —, le facteur déterminant reste la culture. Ainsi, pour que les règles soient appliquées, il faut qu’elles soient comprises et appropriées.
Cependant, il est aussi indispensable de développer des cultures organisationnelles qui valorisent la divulgation d’actes répréhensibles. Bref, il faut adopter des pratiques exemplaires en vue de changer la culture de divulgation existante, qui est la « crainte de représailles ».
En ce sens, je crois que nous faisons des progrès en raison du nombre exponentiel de plaintes. Personne ne devrait risquer sa carrière, voire sa santé pour avoir dénoncé des actes ou des comportements illégaux.
D’anciens hauts fonctionnaires siègent dans notre Chambre et ils témoignent du mérite de l’excellence de la fonction publique canadienne.
Au Parlement et dans notre société, nous ne devons jamais tenir pour acquise notre fonction publique de premier ordre, qui fait l’envie du monde; cela implique de traiter les dénonciateurs légitimes avec dignité et justice.
Avec ce projet de loi, on propose non pas de révolutionner la législation actuelle, mais bien de l’améliorer et de faire en sorte que nous pourrons respecter plus d’un critère parmi les vingtaines de critères reconnus internationalement.
Je pense que c’est un pas dans la bonne direction et, par conséquent, j’invite tous ceux qui sont intéressés par le sujet à prendre la parole dans les semaines qui viennent. J’espère qu’on appuiera le projet de loi et qu’on le renverra rapidement à un comité pour qu’il soit revu et étudié, puis qu’il revienne au Sénat pour qu’on l’envoie finalement à Rideau Hall, pour qu’on accomplisse enfin ce qui n’a pas été fait depuis 2017, soit de donner suite à des recommandations importantes.
Merci de m’avoir écouté. Meegwetch.
(1720)
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Est-ce que vous accepteriez de répondre à une question, sénateur Dalphond?
Le sénateur Dalphond : Bien sûr.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je suis plutôt d’accord avec ce projet de loi, en ce sens où les lanceurs d’alerte sont très importants pour notre démocratie. Je me demande comment on a mesuré l’équilibre nécessaire dans ce projet de loi. Vous avez dit qu’on avait réduit le fardeau de la preuve et qu’on avait transformé par exemple l’expression gross negligence par negligence; ce ne sont peut-être pas exactement ces mots. Vous dites qu’il y a déjà une hausse pour ce qui est des plaintes. En réduisant le fardeau de la preuve, ne risque-t-on pas d’être inondés de plaintes qui pourraient parfois être frivoles? On le sait, il y a parfois des plaintes qui sont des vengeances et toutes sortes d’autres choses. Comment séparer tout cela?
J’imagine qu’il n’y a pas de réponse simple, mais j’imagine qu’on a réfléchi à cet équilibre nécessaire.
Le sénateur Dalphond : C’est une excellente question. J’ai posé la même question ce matin à la commissaire qui témoignait devant le Comité des finances nationales, et je lui ai demandé si elle craignait que l’adoption de ce projet de loi ne provoque un déluge de plaintes. Elle a répondu qu’elle avait déjà besoin de fonds supplémentaires et que si le projet de loi était adopté, il faudrait prévoir plus de crédits, puisqu’elle anticipe davantage de plaintes.
Est-ce qu’elle anticipe un déluge de plaintes? Non. Elle a exprimé son soutien au projet de loi et elle souhaite qu’il soit adopté. Cependant, il faudra lui donner les ressources nécessaires pour faire son travail. Il est sûr qu’avoir le concept d’un fonctionnaire qui dénonce de bonne foi, cela laisse entendre que si c’est par vengeance, on n’accepte pas sa plainte, mais il se peut que même par vengeance, il dénonce une pratique grossière qui contrevient à l’intérêt public et mérite d’être dénoncée. Essayer de mettre en doute ses motifs n’est peut-être pas la bonne approche. Il faut revoir l’entente et enquêter, et s’il s’avère que les faits rapportés sont répréhensibles au sens de la loi, il faut les examiner, peu importe la motivation qui a mené ce fonctionnaire qui a fermé les yeux et qui devient éventuellement un chevalier blanc. Alors, tant mieux s’il dénonce des pratiques auxquelles on doit mettre fin.
La loi contient des dispositions permettant au commissaire non pas de traiter les plaintes, mais de les renvoyer à d’autres organismes qui seront peut-être mieux équipés pour s’en occuper. On peut penser à un fonctionnaire syndiqué qui dénonce une forme de harcèlement psychologique de la part de ses supérieurs parce qu’il a dénoncé, que personne n’a agi et qu’il endure la situation. Peut-être que, dans certains cas, on peut lui demander de déposer un grief; son syndicat pourrait alors s’en occuper et tout pourrait aller plus vite, car la machine est équipée pour faire ce genre de choses. Il peut s’agir d’autres cas qui seront présentés par la Commission des droits de la personne. La commission a la capacité de référer les dossiers, même à la police, dans les cas les plus graves. Après avoir filtré les informations, la commission transférerait le cas à la police, comme dans le cas de ce directeur des communications qui avait un beau ranch, beaucoup de chevaux et beaucoup de belles propriétés et qui semblait être récompensé par les gens à qui il attribuait des contrats.
L’honorable Raymonde Saint-Germain : Sénateur Dalphond, je dois dire d’emblée que ce projet de loi porte sur une question qui m’intéresse grandement, et j’aimerais souligner que le Protecteur du citoyen du Québec a maintenant une expérience et une expertise extrêmement importantes, puisqu’il est officiellement l’institution de l’Assemblée nationale qui gère la loi québécoise sur les lanceurs d’alerte. Cette question d’équilibre soulevée par notre collègue la sénatrice Miville-Dechêne est extrêmement importante, parce qu’on voit aussi que, pour des raisons parfois très orientées et très biaisées, des plaintes sont parfois formulées sans qu’il y ait de fondements réels.
Ma question porte surtout sur cette expérience québécoise. Est-ce que les consultations qui ont été faites jusqu’à maintenant ont permis de tenir compte de la loi québécoise et de l’expertise acquise depuis deux ans? Comptez-vous le Protecteur du citoyen du Québec parmi les témoins qui seront entendus par le comité?
Le sénateur Dalphond : La base de ce projet de loi est essentiellement le rapport de 2017 du comité de la Chambre des communes. Depuis 2017, il s’est quand même écoulé pratiquement sept ans. Je crois que votre suggestion est une très bonne idée. Si le projet de loi se rend au comité, ce sera sans doute l’un des témoins que je vais suggérer au comité directeur d’inviter. On oublie souvent qu’il y a beaucoup d’expériences intéressantes au Québec, mais parce que cela se passe dans une autre langue, on ne l’a pas noté sur le radar. C’est une bonne suggestion et je m’engage à suggérer que l’on convoque le détenteur actuel du poste. S’il n’est pas disponible, on vous demandera de témoigner.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable Julie Miville-Dechêne propose que le projet de loi C-332, Loi modifiant le Code criminel (contrôle coercitif d’un partenaire intime), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, j’ai le privilège d’amorcer le débat à l’étape de la deuxième lecture sur le projet de loi C-332, qui traite du contrôle coercitif d’un partenaire intime.
J’ai offert à la marraine du projet de loi à la Chambre des communes, la députée Laurel Collins, de marrainer son initiative au Sénat, car cette forme de violence insidieuse me préoccupe depuis des années.
[Traduction]
Beaucoup de progrès ont été réalisés depuis l’adoption à l’unanimité du projet de loi C-332 à la Chambre des communes le 12 juin dernier, après avoir été grandement amélioré à divers égards grâce à une série d’importants amendements. Je vais y revenir plus tard, mais j’aimerais d’abord dire quelques mots au sujet du contexte.
La violence entre partenaires intimes à l’égard des femmes est une tragédie. Au Canada, une femme est tuée tous les six jours à la suite d’un acte de violence conjugale. Comme l’a expliqué la professeure Carmen Gill, de l’Université du Nouveau-Brunswick, le Code criminel est désuet, car il considère ces actes de violence comme des événements isolés et ponctuels.
Permettez-moi de la citer :
[L]e système de justice pénale canadien met principalement l’accent sur la preuve de violence physique, les premiers intervenants doivent trouver des preuves de cette violence. Par conséquent, on néglige le contexte de la violence et les préjudices causés dans le cadre de cette dynamique, de sorte que le contrôle coercitif n’est pas pris en compte ou est rejeté. Lors d’une intervention, il est presque impossible, pour un policier, de reconnaître la privation du droit à la liberté, l’obstruction de la liberté et la dynamique du pouvoir et du contrôle.
Qu’est-ce que le contrôle coercitif, la notion qui est au cœur du projet de loi C-332? Il s’agit de l’utilisation par l’agresseur de tactiques répétitives, notamment l’exploitation, l’humiliation, la manipulation, l’isolement et la microréglementation de la vie quotidienne de son partenaire intime. Il ne s’agit donc pas d’un seul comportement, mais d’un large éventail de comportements qui, pris séparément, ne sont pas nécessairement de nature criminelle, mais qui se transforment, par leur répétition, en contrôle coercitif.
C’est au cœur du projet de loi C-332, qui crée une nouvelle infraction de contrôle coercitif d’un partenaire intime dont les auteurs sont passibles d’une peine maximale de 10 ans d’emprisonnement.
[Français]
Ce n’est pas d’hier que les groupes venant en aide aux femmes ont réalisé qu’il y avait tout un ensemble de comportements contrôlants distincts des coups ou même, dans les pires cas, distincts des féminicides.
(1730)
Quatre-vingt-quinze pour cent des victimes de violence physique signalent aussi la présence de contrôle coercitif. De plus, cette violence est genrée. Les femmes et les filles représentent 79 % des victimes de violence entre partenaires intimes déclarée à la police. L’enquête publique sur la fusillade de masse en Nouvelle-Écosse a établi que le tireur avait un passé de comportements coercitifs et qu’il avait notamment retiré les pneus de l’auto de sa partenaire pour l’empêcher de le quitter. Le soir de la fusillade, il l’a attaquée et séquestrée.
Au Québec, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale a beaucoup travaillé depuis trois ans sur le contrôle coercitif en formant plus de 6 200 intervenants dans les milieux policier, judiciaire et de la santé. En effet, même en l’absence d’une loi, la sensibilisation au contrôle coercitif peut aider les intervenants à repérer une femme en détresse. Cette formation est basée notamment sur l’enfer qu’a vécu pendant 13 ans une mère que je surnommerai Marie, qui a accepté de me raconter son calvaire en détail.
Au départ, il y avait un conjoint attentionné qui a réussi peu à peu à l’isoler, qui la surveillait et qui était d’une jalousie obsessionnelle. Après la naissance de son premier enfant, il « lui criait dessus » — ce sont ses mots — jusqu’à ce qu’elle se mette en boule sur le plancher pour protéger son petit qui hurlait. Marie raconte que son conjoint buvait, hurlait de plus en plus, était extrêmement agressif, mais ne la frappait pas, disait-il, pour ne pas laisser de marques.
Marie, qui était financièrement dépendante de son partenaire, vivait dans la peur de la prochaine crise et a fini par s’enfuir quand sa mère lui a dit qu’elle allait se faire tuer. Le stress a été tel qu’une série de problèmes médicaux l’a laissée avec des séquelles cérébrales. Le contrôle coercitif n’étant pas encore une infraction, l’ex-partenaire d’une autre survivante, Brigitte, a été condamné pour un seul aspect de toute la violence qu’elle a subie : le harcèlement criminel. Il a été condamné non pas à cause de tous les actes contrôlants répétés et de violence psychologique qu’il a posés pendant neuf ans, mais parce qu’après la séparation, elle a enregistré durant six mois leurs conversations téléphoniques au sujet de la garde de l’enfant. La juge a lu quelques extraits de ces propos violents et dénigrants devant le tribunal. Je cite certains extraits : « Quand je te regarde, tu es morte, sans vie. Je ne comprends pas que tu ne sois pas malade, tu es bonne à rien. » « Tu vas fermer ta tabarnak de gueule. Tu es une pas bonne [...] Tu es une criss de retardée. »
Il la traite de grosse conne qui n’est pas assez intelligente, qui n’a pas de couilles.
Ou encore il disait : « Si tu savais comme je me fous éperdument de ce que tu dis. Je peux faire ce que je veux avec elle. Arrête de lui demander son opinion quant au fait qu’elle vienne souper chez moi. » Il parlait alors de sa fille.
L’accusé a été condamné à 30 jours de prison à purger chez lui, une journée par semaine.
Brigitte explique qu’il y a eu peu de violence physique. Cela lui a pris du temps à réaliser ce qui se passait. Le chantage, l’isolement de son cercle d’amis, les menaces, la manipulation, le dénigrement alternaient avec des cadeaux.
C’est précisément pour venir en aide à des femmes, à des mères de famille comme Brigitte et Marie, qu’il est temps de faire du contrôle coercitif une infraction criminelle. Cependant, ce n’est pas une notion simple à cerner.
La preuve, c’est que le projet de loi initial a été profondément transformé en comité à l’autre endroit par l’ajout de 14 amendements issus du ministère de la Justice, qui dit avoir tenu compte de l’apport des provinces, des territoires, des parties prenantes, et particulièrement de la loi écossaise sur le contrôle coercitif, qui est en vigueur depuis 2019.
L’infraction proposée comporte deux éléments distincts de nature psychologique.
264.01 (1) Commet une infraction quiconque se livre de façon répétée à des actes visés au paragraphe (2) :
a) soit avec l’intention de faire croire à son partenaire intime que sa sécurité est en danger;
b) soit sans se soucier si ces actes peuvent faire croire à son partenaire intime que sa sécurité est en danger.
Une des grandes forces du texte de loi est d’intégrer une liste non exhaustive d’une dizaine de comportements visés et répétés. Parmi ceux-ci se trouvent notamment les suivants : user de violence, ou tenter ou menacer de le faire envers le partenaire intime, un enfant, un animal, contraindre ou tenter de contraindre le partenaire intime à une activité sexuelle; contrôler ou tenter de contrôler ou surveiller les faits et gestes, déplacements, interactions sociales et la façon dont le partenaire intime prend soin d’un enfant; contrôler ou tenter de contrôler toute question touchant l’emploi, les études, les biens, la situation financière, l’expression de genre, l’apparence physique, l’habillement du partenaire et ainsi de suite.
Une telle liste a été réclamée par plusieurs témoins experts durant l’étude en comité afin d’aider les intervenants judiciaires à comprendre quels types de comportements peuvent constituer une infraction.
Un autre amendement adopté stipule par ailleurs que l’analyse doit être objective, c’est-à-dire qu’elle doit s’en remettre au test de la personne raisonnable.
Je demanderais aux avocats d’écouter ce qui suit. Cette approche diminue les risques de revictimisation en évitant que la preuve devant le tribunal repose uniquement sur les témoignages ou les perceptions de la victime. L’idée est de centrer l’analyse du tribunal sur les comportements de l’accusé.
La question se pose donc ainsi : est-il raisonnable, compte tenu du contexte, de s’attendre à ce que la partenaire intime croie que sa sécurité ou celle d’une personne qu’elle connaît est en danger? Ce test objectif permet de protéger une victime qui n’est pas en mesure de nommer la menace, alors que la conduite de l’accusé est objectivement de nature à susciter la crainte. Il permet aussi de protéger un accusé dont la conduite ne serait pas objectivement de nature à susciter la crainte, même dans les circonstances propres à la victime.
Mentionnons également d’autres améliorations notables au projet de loi.
Une précision est ajoutée, et je la cite : « Il est entendu que, pour l’application du présent article, la sécurité d’une personne vise également sa sécurité psychologique. »
L’idée ici est évidemment de mettre l’accent sur le fait que la violence, et donc la sécurité d’une personne, n’est pas seulement physique.
Il y a un autre ajout important. On écrit dans le projet de loi que l’on doit prendre en compte, et je cite, « la nature de la relation entre l’accusé et son partenaire intime, y compris la situation de vulnérabilité du partenaire intime envers lui. »
Il est question ici du mot « vulnérabilité ».
Pourquoi avoir fait cet ajout? Pour que le système judiciaire tienne compte du déséquilibre du pouvoir quand l’agresseur tente de retourner la plainte de contrôle coercitif contre son ou sa partenaire intime. Dans ces cas, l’analyse de vulnérabilité permet au tribunal d’identifier qui est la véritable victime, plutôt que de tomber dans une logique de fausse équivalence.
Depuis qu’il a été déposé, le projet de loi a suscité quelques critiques.
Certains groupes craignent que la création d’une nouvelle infraction criminelle sur le contrôle coercitif n’ait des conséquences négatives sur les Autochtones, les communautés racisées et les communautés marginalisées, qui sont déjà surreprésentées dans les prisons.
D’autres se sont inquiétés que cette nouvelle infraction puisse se retourner contre les femmes qui tentent de protéger leurs enfants contre la violence de leur conjoint. D’autres, enfin, jugent que le concept de contrôle coercitif est trop large et qu’il risque d’être contesté ou mal interprété.
Ces critiques sont légitimes, mais elles ont été formulées avant que le projet de loi ne soit modifié en profondeur. Il faudra évaluer en comité sénatorial si les amendements du gouvernement ont réussi à régler ces enjeux de manière raisonnable.
Par ailleurs, des conversations devront avoir lieu avec les communautés les plus inquiètes, et ce, avant l’entrée en vigueur du projet de loi C-332. La flexibilité requise pour faire ces consultations existe, car aucun délai maximum n’est prévu pour l’entrée en vigueur de la loi.
J’ajouterai qu’il y a des façons de limiter les risques d’erreurs.
D’abord, tous s’entendent pour dire que le secret de la réussite est de sensibiliser la population et de former les intervenants qui ont des contacts avec les victimes pour bien détecter le contrôle coercitif.
(1740)
Par exemple, il faudra plus de temps aux policiers et il faudra de nouveaux questionnaires plus longs et détaillés pour celles et ceux qui portent plainte. Selon Me Karine Barrette, chargée de projet au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, l’expérience de l’Écosse montre que, lorsque la dynamique et les schémas de contrôle coercitif sont bien maîtrisés, les procureurs et les policiers trouvent plus facile de prouver le contrôle coercitif que les incidents isolés de violence physique. Quand on comprend bien ce qu’est le contrôle coercitif, on est capable de mieux déterminer qui est l’agresseur principal, notamment quand il y a des plaintes croisées des deux partenaires. Il semble donc, en Grande-Bretagne du moins, que l’infraction de contrôle coercitif ne se soit pas jusqu’à maintenant retournée contre les victimes.
Une délégation composée de deux juristes et d’un policier québécois s’est rendue en Écosse et en Angleterre en mai dernier pour voir s’il y avait des leçons à tirer de leur expérience. Selon les membres de cette délégation, il y a eu quelques difficultés, mais les policiers, les procureurs et les groupes d’aide aux victimes britanniques et écossaises ne reviendraient pas en arrière. On n’a pas encore de données probantes — à cause notamment de toute la période de la COVID, qui a retardé la mise en vigueur de la loi —, mais l’Écosse croit qu’elle est sur la bonne voie, notamment parce que tout le monde a été formé avant l’entrée en vigueur de la loi.
En conclusion, contrairement à ce que prétendent certains, le projet de loi C-332 n’aura pas pour effet de tout transformer en contrôle coercitif. On parle vraiment de tendances comportementales sur des périodes prolongées. Chaque geste pris individuellement ne devient pas du contrôle coercitif.
Selon la professeure Carmen Gill, une sommité dans ce domaine, l’adoption du projet de loi C-332 est essentielle. Je la cite :
Il est important de renforcer la sécurité des femmes [...] L’infraction de contrôle coercitif serait une reconnaissance claire du fait que la violence entre partenaires intimes est un modèle de contrôle et de pouvoir à l’endroit de la victime et légitimerait les expériences vécues par les victimes. Une telle infraction pourrait également prévenir les homicides commis par un partenaire intime.
Ce qu’on ne veut plus, c’est que des victimes de contrôle coercitif ne cherchent pas à obtenir de l’aide, car elles estiment que ce qu’elles vivent n’est pas assez grave ou n’est pas criminel. C’est ce qui est arrivé à Marie pendant 13 ans. On veut éviter aussi que ces femmes ne soient pas prises au sérieux quand elles portent plainte parce qu’elles n’ont pas d’ecchymoses. Il faut retenir également que le harcèlement se poursuit souvent après la séparation, comme dans le cas de Brigitte, qui a vécu trois ans de violence après la séparation.
Je veux saluer le courage de ces deux survivantes, qui m’ont raconté le piège dans lequel elles se sont engouffrées peu à peu. Marie et Brigitte, je vous souhaite une vie meilleure.
Cela dit, chers collègues, j’ai hâte d’entendre vos points de vue respectifs sur le projet de loi C-332. Je souhaite ardemment que ce projet de loi attendu par beaucoup de femmes soit étudié sérieusement en comité le plus tôt possible. Merci.
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Miville-Dechêne, acceptez-vous de répondre à des questions?
La sénatrice Miville-Dechêne : Certainement.
[Traduction]
L’honorable Mary Coyle : Je tiens à remercier ma collègue d’avoir présenté ce projet de loi très important, qui propose une nouvelle infraction pénale très importante. J’ai très hâte que nous en débattions et que nous l’étudiions. Lorsque nous examinons des infractions pénales, nous devons être très prudents parce que certains d’entre nous estiment qu’il y a déjà un problème de suremprisonnement au Canada.
Vous savez que je comprends fort bien la situation. J’ai parlé au Sénat de Shanna Borden Desmond, d’Anna Maria Tremonti et de Lisa Banfield. Ces trois femmes ont été victimes de contrôle coercitif dans ma province, la Nouvelle-Écosse. Nous savons également que le contrôle coercitif peut mener à l’homicide par un partenaire intime. Comme on l’a constaté dans le cas de la Nouvelle-Écosse, il peut également mener à l’homicide de manière plus générale. Il s’agit donc d’un problème grave.
Je voudrais poser une question sur les autres solutions, autre que la simple incarcération. Quelles sont les autres considérations prises en compte par ceux qui étudient le contrôle coercitif pour régler et prévenir le problème? Propose-t-on d’autres solutions que l’incarcération?
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais vous répondre en français. Je comprends, et j’ai mentionné qu’en effet, parce que les personnes marginalisées, racisées et discriminées sont en général surreprésentées dans les prisons, ce projet de loi soulève des enjeux importants. Il est donc clair qu’avant sa mise en vigueur, il faut qu’il y ait des conversations sérieuses avec ces milieux.
Il n’y a pas d’opposition dans tous ces milieux, parce qu’il y a de toute évidence une violence qui existe. Ce que je peux vous dire, c’est que tous ceux à qui j’ai parlé et qui travaillent dans ce domaine disent que même sans loi, il faut s’assurer de former les intervenants pour qu’ils détectent ce contrôle coercitif, parce que c’est la première chose importante. Si celle qui le subit — parce qu’en général, ce sont des femmes — ne se rend pas compte que cela en est, c’est beaucoup plus difficile pour elle de sortir de cette situation, parce qu’elle pense que c’est normal, que c’est une question de caractère, que c’est sa faute et qu’elle n’a pas fait ce qu’il fallait. Tout cela peut être repéré par des intervenants dans des hôpitaux et des centres d’aide, mais pour cela, il faut de la formation.
Ce que je trouvais assez formidable avec le regroupement québécois des maisons d’hébergement, c’est qu’il n’a pas attendu la loi. Cela fait trois ans qu’il fait de la formation et il dit que déjà, il y a une bien meilleure compréhension. Il y aura bientôt un site Web disponible et on est en train de traduire certains documents pour que tous puissent avoir accès à une explication simple de ce phénomène.
Or, je vous dirais que cette idée de former et de sensibiliser la population est sans doute la partie importante qui précède la loi. Toutefois, aucun de ceux à qui j’ai parlé longuement ne croit que le fait de ne pas légiférer pourrait régler la situation. C’est très bien de faire de la sensibilisation, c’est très bien de former les policiers, mais s’il n’y a pas de loi, si l’on ne modifie pas le Code criminel, on n’ira pas au bout de l’effort.
Je sais que l’incarcération n’est pas la seule solution; j’en suis très consciente, mais au bout du compte, pour éviter l’impunité, personnellement, j’ai le sentiment qu’il faut une infraction criminelle de contrôle coercitif.
[Traduction]
L’honorable Paula Simons : Ma collègue accepterait-elle de répondre à une autre question?
La sénatrice Miville-Dechêne : Oui.
La sénatrice Simons : Dans votre présentation, vous avez surtout parlé de la violence entre partenaires intimes, mais si je lis bien le projet de loi, il s’appliquerait également à tous les membres d’une famille qui vivent ensemble. Est-ce exact? Cela engloberait les relations entre des parents vivant peut-être avec leurs enfants adultes, ou des frères et sœurs, ou une personne vivant avec un parent vieillissant. Cela s’appliquerait-il également?
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Ce n’est pas de cette façon que je comprends la définition de l’expression « partenaire intime » qui existe déjà dans le Code criminel. Il est clair qu’user de violence contre toute personne de 18 ans qui est l’enfant du partenaire intime... En fait, un enfant peut être impliqué dans le contrôle coercitif dans la mesure où il peut devenir la victime d’un des partenaires intimes, mais il faut qu’il y ait des partenaires intimes, une relation passée ou présente, une relation qui a été intime pour que le concept de contrôle coercitif puisse être utilisé.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Je suppose que nous le saurons lorsqu’il sera soumis au Comité des affaires juridiques, mais cela me préoccupe. Bien entendu, j’éprouve le même écœurement que tout le monde ici face à la violence entre partenaires intimes. Nous avons tous parlé de cette question à maintes reprises. Bien d’autres sénateurs ont présenté des initiatives pour tenter de résoudre ce problème, mais je suis préoccupée par les infractions au Code criminel qui sont tellement vagues. Dans ce cas, on dit que l’interprétation à donner à des répercussions importantes serait quelque chose causant de l’inquiétude ou de la détresse. Je ne sais pas ce que causer de l’inquiétude ou de la détresse signifie. Quel est le test permettant de savoir si l’intimidation et le type de problèmes qui surviennent parfois dans une relation atteignent un niveau criminel?
(1750)
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Vous mettez le doigt sur ce que j’ai expliqué. C’est une nouvelle infraction difficile à cerner. Personne ne nie qu’il y aura un jugement à appliquer. Je crois que le mot important, c’est la répétition; une action en soi, une crise, des cris, une fois par opposition à des comportements répétés qui deviennent une façon d’être. Il y a une différence, de toute évidence. Toutes les infractions de violence sexuelle ne sont déjà pas faciles à prouver. Celle-là ne sera pas forcément différente de l’agression sexuelle où, comme vous le savez, ce n’est pas particulièrement évident. Plusieurs plaintes ne se rendent pas devant le tribunal, parce que les procureurs jugent qu’ils n’ont pas ce qu’il faut comme preuve indépendante. Cela ne sera jamais facile. Souvent, ces choses se passent dans l’intimité, mais il peut y avoir des témoins, des enfants, des parents, des confidences.
Donc, oui, il s’agit d’un saut dans l’inconnu, mais l’Écosse et l’Angleterre l’ont déjà fait et ces pays sont satisfaits dans la mesure où c’est un outil de plus pour détecter la violence faite aux femmes en général. Évidemment, l’inverse est possible également, mais c’est une violence genrée. L’idée, c’est d’avoir un outil supplémentaire pour aider ces femmes. Oui, il faut des services sociaux et tout le reste, mais cette idée d’une nouvelle infraction correspond à une réalité. Cela fait des décennies que des groupes de femmes disent qu’à côté de la violence physique, il existe un contrôle coercitif beaucoup plus insidieux. Dire qu’on n’agira pas parce que c’est compliqué, à mon avis, ce n’est pas une bonne façon de faire.
Je l’avoue, il s’agit d’une infraction assez complexe. C’est pour cela que le fait d’inclure des exemples à l’intérieur même du projet de loi aide le système judiciaire. Cela aide tout le monde. La première version du projet de loi avait deux pages et demie et ne contenait pas d’exemples. Cette version a été améliorée. Elle fait maintenant six pages. Les amendements — et j’en ai parlé à plusieurs intervenants — ont du sens. C’est d’ailleurs ce qu’avaient demandé plusieurs des intervenants pendant l’étude en comité.
J’ai l’impression qu’on a un projet de loi relativement solide dans la mesure où, comme vous l’avez dit, c’est une infraction qui sera sans doute difficile à cerner, mais qui le sera de moins en moins à mesure qu’il y aura de la sensibilisation et que l’on comprendra mieux le phénomène.
[Traduction]
L’honorable Gwen Boniface : Merci de parrainer le projet de loi. Il s’agit d’une question importante. Comme l’indique mon interpellation, le sujet m’intéresse depuis longtemps.
Je veux simplement souligner que l’Ontario et le Québec font des choses très semblables dans le domaine policier, en matière de surveillance et de formation concernant les questions liées à l’évaluation du risque.
J’invite le comité à se pencher là-dessus afin d’examiner — si vous estimez que c’est un aspect important — les autres services disponibles, un peu dans lignée de l’observation formulée par la sénatrice Coyle. Dans ma province, comme l’indique la commission d’enquête de Renfrew, les services qui devraient être en place pour répondre à ce problème sont peu ou pas financés.
Le deuxième problème est que lorsqu’un délinquant à haut risque récidive avec différentes victimes, il n’y a jamais de suivi effectué concernant les peines et les sanctions déjà reçues, les conditions de probation et l’instruction de suivre un programme sur la maîtrise de la colère. Je vous demande, lorsque vous mènerez le dossier avec le comité, d’examiner l’ensemble de questions qui s’y rapporte, pour éviter que l’on se retrouve avec une nouvelle loi sans effet parce que les ressources connexes ne sont pas efficaces.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci pour ces remarques. Il est vrai, dans le cas de plusieurs lois, que tout ce qui a trait à la mise en vigueur manque beaucoup de ressources. Dans ce cas-ci, je ne favoriserais pas seulement une approche de criminalisation, car c’est un système au complet qui doit changer. On le dit aussi pour toutes les autres formes de violence.
Je dirais que c’est réellement un problème systémique. Il est nécessaire d’adopter des lois, bien sûr, mais il est aussi nécessaire de les mettre en vigueur et de changer les choses. Je dois vous dire que plusieurs lois que j’ai étudiées de près — je pense d’ailleurs à celle sur la prostitution — n’ont pas reçu l’encadrement nécessaire pour que les femmes puissent cesser cette activité si elles le souhaitent, qu’elles puissent être encadrées et qu’il y ait des campagnes de sensibilisation pour que ceux qui ont recours aux services sexuels puissent savoir qu’il s’agit d’exploitation sexuelle. Il faut changer les mentalités. Il faut des services sociaux pour s’en occuper, et c’est vrai également dans le cas du contrôle coercitif.
[Traduction]
L’honorable Paulette Senior : Ayant travaillé pendant environ 35 ans avec des organisations féminines qui luttent contre la violence fondée sur le sexe, avec tout ce que cela implique, je suis heureuse de l’attention qu’on portera à cette question grâce à ce projet de loi. J’ai quelques préoccupations concernant l’application, notamment en ce qui concerne les mesures qui seront prises pour protéger les communautés noires, autochtones et racialisées.
Vous avez dit que les changements ont été apportés depuis ce temps. Je serais ravie d’en apprendre davantage à ce sujet. Je suis désolée, mais je ne suis de retour que depuis aujourd’hui, alors je ne suis pas aussi renseignée que je devrais l’être, mais j’aimerais savoir comment cela fonctionne, parce qu’on voit ce genre de problème avec le cadre législatif actuel. Je ne voudrais pas que les nouvelles mesures législatives qui seront mises en place aggravent le problème qui existe déjà.
J’aimerais seulement en apprendre davantage à ce sujet et peut-être demander au comité d’expliquer de façon très précise comment on atténue ce problème. Merci.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous remercie de la question. Si je vous ai bien comprise, vous dites que le système de justice prend déjà en considération le contrôle coercitif, ou ai-je mal compris? Je suis désolée.
La sénatrice Senior : Merci. Non. Je veux dire que les dispositions législatives actuelles en matière criminelle sont déjà appliquées de façon discriminatoire, alors j’aimerais savoir comment on pourra atténuer ce problème avec ces nouvelles dispositions législatives?
La sénatrice Miville-Dechêne : Oui, c’est mon erreur, je n’ai pas bien compris.
[Français]
C’est une question très vaste et très complexe. Effectivement, la criminalisation n’a pas le même effet sur tous les segments de la population. Je l’ai mentionné parce que cela a été évoqué en comité. Je n’oserais pas parler au nom des communautés racisées ou de celles dont les membres sont disproportionnellement emprisonnés, mais il me semble que, dans ce cas-ci en particulier, le fait qu’on laisse du temps avant l’entrée en vigueur de la loi pour avoir des conversations permettrait au moins d’entendre ces communautés et de voir comment elles voient les choses.
Est-ce suffisant, une consultation? Je ne suis pas devin et je ne veux vous faire aucune promesse. C’est un problème au sein d’une société où il y a des inégalités flagrantes et où les lois sont censées s’appliquer également à tout le monde. Ce n’est pas le cas. Toutes ces questions de discrimination systémique, je les comprends.
(1800)
Est-ce que cela veut dire qu’à cause de cela, on ne peut pas créer de nouvelles infractions qui correspondent à une réalité? Je n’irais pas jusque-là. Cependant, il faut prendre des précautions importantes. Ce qui me rassure un peu, c’est que les amendements viennent renforcer le projet de loi. Effectivement, le comité du Sénat pourra voir cette nouvelle infraction dans son contexte. Je crois qu’il y a suffisamment de mes collègues au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles qui sont très sensibilisés à cette question pour que le sujet soit soulevé et qu’on ait des témoins pour en parler.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
[Traduction]
Le Sénat
Motion tendant à reconnaître que les changements climatiques constituent une urgence—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Galvez, appuyée par l’honorable sénateur Forest,
Que le Sénat du Canada reconnaisse que :
a)les changements climatiques constituent une urgence qui exige une réponse immédiate et ambitieuse;
b)l’activité humaine est, sans équivoque, responsable du réchauffement de l’atmosphère, de l’océan et de la terre à un rythme sans précédent, et est en train de provoquer des extrêmes météorologiques et climatiques dans toutes les régions du globe, incluant l’Arctique, qui se réchauffe à un rythme plus de deux fois supérieur au taux global;
c)l’incapacité de répondre aux changements climatiques a des conséquences catastrophiques, surtout pour les jeunes Canadiens, les peuples autochtones et les générations futures;
d)les changements climatiques ont un effet négatif sur la santé et la sécurité des Canadiens et la stabilité financière du Canada;
Que le Sénat déclare que le Canada est en période d’urgence climatique nationale, qui requiert que le Canada maintienne ses obligations internationales par rapport aux changements climatiques et augmente ses actions climatiques conformément à l’objectif de l’Accord de Paris de maintenir le réchauffement climatique bien en dessous de deux degrés Celsius et de poursuivre les efforts afin de maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 degré Celsius;
Que le Sénat s’engage à prendre des mesures d’atténuation et d’adaptation en réponse à l’urgence climatique et qu’il tienne compte de cette urgence d’agir dans le cadre de ses travaux parlementaires.
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, au nom du sénateur Housakos, je constate que cet article en est à son 15e jour et que le sénateur n’est pas prêt à intervenir. Par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-14(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat pour le temps de parole qu’il reste au sénateur Housakos.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Le débat est ajourné.)
Motion tendant à autoriser une modification à la Loi constitutionnelle de 1867 (qualifications des sénateurs en matière de propriété) par proclamation de Son Excellence la gouverneure générale—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Patterson (Nunavut), appuyée par l’honorable sénateur Greene,
Attendu :
que le Sénat défend les intérêts de groupes souvent sous-représentés au Parlement, tels les Autochtones, les minorités visibles et les femmes;
que le point 3 de l’article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit qu’une personne doit, pour être nommée au Sénat et y conserver son siège, posséder des terres d’une valeur nette minimale de quatre mille dollars situées dans la province pour laquelle elle est nommée;
qu’il se peut que des circonstances personnelles ou le marché immobilier d’une région donnée empêchent une personne de posséder la propriété requise;
que chacun devrait être admissible à une nomination au Sénat, indépendamment de la valeur nette de ses biens immobiliers;
que la qualification en matière de propriété immobilière n’est pas conforme aux valeurs démocratiques de la société canadienne moderne et qu’elle ne constitue plus une garantie adéquate ou valable de l’aptitude d’une personne à siéger au Sénat;
que chacun des vingt-quatre sénateurs du Québec est nommé pour un collège électoral donné et doit remplir la qualification en matière de propriété immobilière dans ce collège électoral ou y résider;
que les dispositions de la Constitution du Canada applicables à certaines provinces seulement ne peuvent être modifiées que par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l’assemblée législative de chaque province concernée;
que la Cour suprême du Canada a déclaré que l’abrogation complète du point 3 de l’article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant la qualification des sénateurs en matière de propriété immobilière requiert une résolution de l’Assemblée nationale du Québec conformément à l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982,
Le Sénat a résolu d’autoriser la modification de la Constitution du Canada par proclamation de Son Excellence la gouverneure générale sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l’annexe ci-jointe.
ANNEXE
MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA
1.(1) Le point 3 de l’article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 est abrogé.
(2) L’article 23 de la même loi est modifié par remplacement du point-virgule à la fin du point 5 par un point et par abrogation du point 6.
2. La Déclaration des qualifications exigées figurant à la cinquième annexe de la même loi est remplacée par ce qui suit :
Je, A.B., déclare et atteste que j’ai les qualifications exigées par la loi pour être nommé membre du Sénat du Canada.
3.Titre de la présente modification : « Modification constitutionnelle de (année de proclamation) (qualification des sénateurs en matière de propriété immobilière) ».
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, encore une fois, je constate que cet article en est au 15e jour et que le sénateur Housakos n’est pas prêt à prendre la parole à ce sujet. Par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-14(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat au nom du sénateur Housakos pour le reste de son temps de parole.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Le débat est ajourné.)
Motion concernant les minimums applicables aux projets de loi du gouvernement—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Tannas, appuyée par l’honorable sénateur Black,
Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle :
1.sauf disposition contraire du présent ordre, la motion d’adoption à l’étape de la troisième lecture d’un projet de loi du gouvernement ne soit pas mise aux voix à moins que les ordres pour la reprise du débat aux étapes des deuxième et troisième lectures aient été appelés au moins trois fois au total, exclusion faite des séances au cours desquelles ont été proposées les motions d’adoption à ces étapes;
2.après la première lecture d’un projet de loi du gouvernement, et avant que soit proposée la motion fixant la date de la deuxième lecture, le leader du gouvernement au Sénat ou le leader adjoint du gouvernement au Sénat puisse proposer, sans préavis, que le projet de loi soit réputé une affaire urgente et que les dispositions du paragraphe 1 du présent ordre ne s’appliquent pas aux délibérations le concernant;
3.les dispositions ci-après s’appliquent à une motion proposée conformément au paragraphe 2 du présent ordre :
a)le débat doit uniquement porter sur la question de savoir si le projet de loi devrait être considéré comme une question urgente ou non;
b)le débat ne peut être ajourné;
c)le débat dure un maximum de 20 minutes;
d)le temps de parole de chaque sénateur est limité à 5 minutes;
e)les sénateurs ne peuvent prendre la parole qu’une seule fois;
f)le débat ne peut être interrompu pour quelque raison que ce soit, sauf pour la lecture d’un message de la Couronne ou le déroulement d’un événement annoncé dans un tel message;
g)si nécessaire, le débat peut continuer au-delà de l’heure fixée pour la clôture de la séance jusqu’à ce qu’il soit terminé et que soient terminés également les travaux qui en découlent;
h)le temps consacré au débat et à tout vote n’est pas compris dans la durée des affaires courantes;
i)sont irrecevables les amendements et autres motions, sauf la motion visant à donner la parole à tel sénateur;
j)la motion est mise aux voix à la fin du débat ou à l’expiration du temps alloué pour celui-ci;
k)si le vote par appel nominal est demandé, il ne peut être reporté et la sonnerie ne se fait entendre que pendant 15 minutes.
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Avec le consentement du Sénat, je demande l’ajournement au nom du sénateur Housakos pour le reste de son temps de parole.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Le débat est ajourné.)
[Français]
Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs
Motion tendant à autoriser le comité à étudier des amendements au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs concernant les voyages commandités—Ajournement du débat
L’honorable Raymonde Saint-Germain, conformément au préavis donné le 20 juin 2024, propose :
Que le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, des amendements au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs concernant les voyages commandités, et à examiner si l’acceptation par les sénateurs de voyages commandités demeure appropriée dans le contexte actuel d’ingérence étrangère, que cette commandite soit par des États étrangers ou d’autres tierces parties, y compris, mais sans s’y limiter, les entreprises, les lobbyistes ou les organisations non gouvernementales;
Que, nonobstant toute disposition du Règlement ou du code, lorsque le comité traite de cette affaire, il soit autorisé à se réunir en public s’il décide de le faire et qu’un sénateur qui n’est pas membre du comité ne soit pas autorisé à être présent à moins de le faire à titre de témoin et à l’invitation du comité;
Que le comité présente son rapport final au Sénat au plus tard le 31 mars 2025.
— Honorables sénateurs, le Sénat ne peut demeurer indifférent aux risques que l’ingérence étrangère pose maintenant aux institutions politiques et à la démocratie du pays.
Le Groupe des cinq, soit l’alliance des services de renseignements de l’Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et des États-Unis, atteste que cette réalité inquiétante affecte en particulier les démocraties occidentales. De leur côté, les autorités canadiennes en matière de renseignement et de sécurité ainsi que le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) confirment tous que le Canada n’est pas épargné.
Dans son rapport spécial de juin 2024, ce comité indique clairement que les parlementaires et leur personnel sont grandement visés par l’ingérence étrangère. Voici un extrait de ce rapport spécial :
[...] les activités d’ingérence étrangère ayant eu lieu au Canada pendant la période visée par l’examen...
— soit depuis 2018 —
... ont été principalement menées par interactions entre personnes [...] Les acteurs étrangers cherchent à cultiver des relations à long terme avec des Canadiens qui peuvent servir leurs intérêts pour que ces derniers agissent en leur faveur et contre les intérêts du Canada.
Les membres du comité mentionnent le recours à certains incitatifs, notamment des « voyages toutes dépenses payées au pays étranger ».
[Traduction]
Si l’ingérence étrangère est à l’origine de cette motion, ne nous trompons pas et soyons clairs : malgré cette situation, il est important que le Sénat se libère des nombreuses autres conséquences des voyages parrainés et qu’il le fasse maintenant.
Cependant, cette situation d’ingérence active ajoute une urgence à la nécessité de parler du caractère approprié des voyages parrainés qui nous sont proposés et qui, au fil du temps, se sont multipliés.
Permettez-moi de vous donner les détails de ces voyages parrainés depuis 2013. Malheureusement, il ne s’agira que d’un compte rendu partiel, puisque les données publiques sur ces voyages sont supprimées lorsqu’un sénateur prend sa retraite ou qu’il démissionne. Nous ne disposons donc que de données sur les sénateurs encore en fonction.
Selon les données rendues publiques par le conseiller sénatorial en éthique du Sénat, outre les 45 voyages parrainés à l’intérieur des frontières du Canada, qui ne sont pas visés par cette motion, 119 voyages de sénateurs ont eu lieu à l’étranger et la plupart d’entre eux ont été parrainés par une entité étrangère ou un mandataire.
Seize de ces voyages ont eu lieu dans ce qui est considéré comme un « régime autoritaire » selon la définition de l’Economist Intelligence Unit. Même si les enjeux d’éthique des voyages parrainés ne se limitent pas à la visite de ces pays, force est de constater qu’un parlementaire accueilli par des pays à régime autoritaire peut se retrouver dans des situations délicates et pénibles.
De plus, un seul sénateur qui décide de se placer dans des situations de ce genre pourrait mettre toute l’institution dans l’embarras. Même sur une période de 10 ans, le nombre de voyages parrainés par des agents étrangers et acceptés par des sénateurs est non négligeable.
Je vais maintenant décrire quelles sont, selon moi, les principales questions d’éthique soulevées par les voyages parrainés.
(1810)
D’abord, on se place dans une situation où on est redevable. Lorsqu’un sénateur accepte un tel parrainage, son vol, son hébergement et ses repas sont notamment payés par un pays étranger ou une société fantôme. En échange, le sénateur offre son temps, son attention et son influence par rapport à des questions précises d’un grand intérêt pour le parrain du voyage. Que cela nous plaise ou non, tous les parlementaires qui reçoivent un tel traitement sont redevables à la société ou à l’État qui offre le parrainage. Cette position peut affecter leur travail et leur objectivité. C’est ce qu’on appelle une entente de contrepartie, où on échange une faveur contre une autre.
Se placer dans une situation où on est redevable est encore plus gênant et inapproprié lorsqu’on constate que le Sénat — et, plus généralement, le Parlement du Canada — n’a pas d’équivalent à ces voyages parrainés. Les deux Chambres n’ont pas de programmes ou de fonds alloués à cette fin. Par ailleurs, une telle pratique serait inappropriée compte tenu du rôle du Sénat et des répercussions sur les contribuables.
Je ne veux pointer personne du doigt, mais, à quelques occasions, j’ai remarqué que certains de nos collègues défendaient une position — par exemple, par l’entremise d’une déclaration ou même d’un projet de loi d’intérêt public du Sénat — d’une façon qui révélait clairement qu’ils étaient redevables.
Le deuxième problème d’éthique, selon moi, est le risque de se trouver dans une situation de conflit d’intérêts ou de loyauté. Le risque de conflit d’intérêts ou de loyauté, qu’il soit réel ou perçu, est intimement lié au premier problème. Cela pourrait avoir des effets très néfastes sur l’opinion que le public se fait des parlementaires et des institutions démocratiques de notre pays.
Les sénateurs ayant voyagé aux frais d’un parrain et suivi un programme conçu et supervisé par ce parrain peuvent-ils distinguer les faits de la fiction et faire la distinction entre l’information et la mésinformation? Connaissent-ils les points de vue objectifs de toutes les parties concernées? Les sénateurs peuvent-ils vraiment se construire une opinion éclairée en se fondant sur un programme de réunion conçu pour présenter le point de vue de l’hôte sous un angle favorable? Dans notre code d’éthique, il est énoncé qu’on s’attend à ce que :
[les sénateurs] remplissent leur charge publique selon les normes les plus élevées de façon à éviter les conflits d’intérêts et à préserver et accroître la confiance du public dans l’intégrité de chaque sénateur et envers le Sénat;
c)[ils] prennent les mesures nécessaires en ce qui touche leurs affaires personnelles pour éviter les conflits d’intérêts réels ou apparents qui sont prévisibles […]
C’est tiré du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, alinéas 2(2)b) et c).
Ces voyages ont un caractère insidieux car ils visent à promouvoir les intérêts des pays hôtes, intérêts qui ne sont pas toujours compatibles avec ceux du Canada.
Le troisième problème, qui est non négligeable et qui découle des deux premiers, est celui du non-respect de la politique étrangère du Canada, qui est une prérogative de l’exécutif plutôt que du législatif. La diplomatie parlementaire doit être complémentaire et cohérente avec la politique étrangère du pays, et non l’entraver. Dans les affaires internationales, il est essentiel que le Canada parle d’une seule voix lorsqu’il s’agit de s’engager et de remplir ses obligations internationales.
Il est également possible que, dans des situations particulières, une position prise après un voyage parrainé par un État souverain puisse contrevenir au principe, en droit international, de non-ingérence dans les affaires intérieures. Ce principe est inclus dans la Charte des Nations unies, à laquelle le Canada adhère en tant que membre de l’ONU.
Le risque de porter atteinte à la politique étrangère du Canada est encore plus grand quand le voyage parrainé n’est pas soumis aux vérifications et aux séances d’information habituelles d’Affaires mondiales Canada. Quels sont les intérêts et les positions du Canada dans le dossier? Dans le cadre d’un voyage parrainé, les parlementaires suivent un programme établi par le pays hôte ou par la société mandatée par lui. Les parlementaires peuvent également être vulnérables à la propagande d’un État étranger.
Permettez-moi maintenant de prendre quelques minutes pour me concentrer sur notre rôle dans la diplomatie parlementaire par les voies officielles du Parlement du Canada. Comme l’ont décrite les anciens présidents du Sénat et de la Chambre Noël A. Kinsella et Peter Milliken, la diplomatie parlementaire consiste principalement à établir des relations et des partenariats. Elle est efficace dans le développement de réseaux entre les décideurs et peut aider les gens à réaliser des analyses comparatives et à ouvrir le dialogue.
Bien que tout cela soit bénéfique et constitue un solide complément à notre présence internationale, cela ne remplace pas les mesures ciblées et réfléchies prises par des diplomates professionnels. Essentiellement, la politique étrangère est la responsabilité du gouvernement, c’est-à-dire de l’exécutif.
[Français]
La diplomatie parlementaire n’est pertinente que si elle est appliquée conformément à la politique étrangère du gouvernement, laquelle est alignée avec nos intérêts en matière de défense nationale.
Le député et vice-président de la Chambre des communes, M. Chris d’Entremont, et moi sommes coprésidents du Conseil interparlementaire mixte (CIM). Le CIM supervise les travaux de 12 associations parlementaires et de 4 groupes interparlementaires, qui coordonnent les délégations qui représentent le Parlement dans les différentes réunions de députés et de sénateurs qui ont lieu dans le monde entier. L’objectif est de rencontrer des parlementaires d’autres pays et de discuter des enjeux qui sont d’un intérêt stratégique pour nous en tant que parlementaires canadiens. C’est d’abord et avant tout une question de coopération interparlementaire.
Au cours de l’exercice financier de 2022-2023, 63 délégations ont représenté le Parlement au cours de réunions organisées dans 31 pays. Un total de 79 sénatrices et sénateurs et de 183 députés ont participé à ces délégations.
De plus, contrairement aux voyages parrainés, tous les parlementaires membres de ces associations et qui participent aux délégations officielles reçoivent des analyses et des rapports exhaustifs ainsi que du soutien en sécurité, y compris en matière de cybersécurité, qui leur garantissent d’être bien informés et préparés pour représenter adéquatement le Canada et le Parlement fédéral.
D’autres occasions de voyages officiels sont offertes aux sénatrices et sénateurs, par exemple dans le cadre des travaux des comités sénatoriaux permanents, avec également les points de déplacements pour des voyages aux États-Unis, à New York et à Washington, ou encore pour des événements internationaux qui sont organisés au Canada.
Pour nos collègues qui souhaitent prendre part à la diplomatie parlementaire, ces voies officielles — et non les voyages parrainés — sont la meilleure façon d’y parvenir. Ces opportunités diplomatiques ne posent pas de problèmes éthiques et ne risquent pas de semer le doute quant à la loyauté d’un parlementaire envers notre pays. En fait, il s’agit d’un canal privilégié qui nous permet de promouvoir la démocratie ainsi que la bonne gouvernance et de coopérer avec d’autres parlementaires pour les renforcer, ici comme ailleurs.
[Traduction]
Un autre facteur préoccupant est le manque criant de responsabilité et de transparence dans le système de déclaration actuel. Selon le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, les sénateurs sont tenus de déclarer au conseiller sénatorial en éthique leur participation à un voyage parrainé. Cependant, aux termes du paragraphe 18(2), il n’est nécessaire de déclarer que le nom de la personne ou de l’organisme qui paie les frais du voyage, la ou les destinations, le but et la durée du voyage, le fait qu’un invité était ou non également parrainé, ainsi que la nature générale des avantages reçus. En outre, cette déclaration n’est faite qu’à titre informatif et le conseiller n’est pas habilité à cerner les conflits d’intérêts potentiels ou à déconseiller à un sénateur de faire un voyage donné; ce n’est tout simplement pas son rôle.
Pire encore, selon l’article 19, les voyages parrainés sont réputés, à toutes fins utiles, avoir fait l’objet du consentement du Sénat. C’est donc dire que, selon le code d’éthique en vigueur, tous les sénateurs sont réputés avoir donné leur consentement à tous les voyages parrainés. C’est extrêmement problématique et cela signifie essentiellement que si un seul sénateur ne choisit pas soigneusement ses destinations de voyage, c’est tout le Sénat qui peut être considéré comme complice.
Un autre élément inapproprié, voire incohérent, est le fait que le code précise qu’un sénateur ne peut accepter un cadeau d’une valeur de plus de 500 $. Or, il n’y a rien qui empêche qu’on accepte un voyage et un hébergement valant des milliers de dollars.
Il convient également de souligner que le Rapport spécial sur l’ingérence étrangère dans les processus et les institutions démocratiques du Canada du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement indique que « conformément à la Loi sur les conflits d’intérêts, les titulaires d’une charge publique doivent toujours accorder la priorité à l’intérêt public avant leurs intérêts personnels ».
(1820)
Nous devons sérieusement revoir ces pratiques et les rendre conformes aux pratiques exemplaires ainsi qu’aux normes d’éthique contemporaines les plus élevées.
Comme vous pouvez le constater, les règles actuelles régissant les voyages parrainés comportent beaucoup de lacunes. Est-ce que cela signifie qu’il faut carrément interdire toute forme de voyage à l’étranger parrainé? Je vais laisser aux membres du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs le soin d’examiner cette question et de formuler des recommandations.
Il y a place à l’interprétation et il y a peut-être lieu de maintenir des exceptions très strictes. Ce qui pose problème, ce sont les situations où les sénateurs se placent dans une situation d’obligation qui, à son tour, influence leur travail de parlementaires. Certains voyages n’ont aucune influence sur notre travail.
Si cette motion est adoptée, je compterai sur l’expertise du Comité sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs pour faire cette interprétation, établir les exceptions qui ne placent pas les sénateurs en situation d’obligation et présenter ses recommandations au Sénat. Un exemple d’exception pourrait être lorsque nous sommes invités à participer à une activité universitaire ou à une réunion d’une association professionnelle reconnue pour laquelle nos frais sont couverts, mais nous ne touchons aucune rémunération.
[Français]
Par souci de transparence, j’admettrai que depuis mon arrivée au Sénat en 2016, j’ai été invitée à participer à quatre voyages parrainés. J’ai décliné toutes ces invitations sauf une, soit celle de l’Association des ombudsmans et médiateurs de la Francophonie (AOMF) qui m’avait invitée pour deux jours à Bruxelles pour prononcer une allocution dans le cadre de son congrès bisannuel qui coïncidait avec le vingtième anniversaire de sa création. Je n’ai vu là aucun risque de conflit d’intérêts. Il s’agit d’une association multilatérale reconnue et subventionnée par le gouvernement canadien composée de plus de 60 États membres, dont 3 provinces sont également membres, le Nouveau-Brunswick, l’Ontario et le Québec qui le financent également à l’instar du gouvernement du Canada. On m’a invitée pour que je participe aux discussions officielles et pour la remise d’une distinction soulignant ma décennie de contributions à cette association.
Ma participation au congrès bisannuel de l’association n’avait aucun lien avec mon rôle de sénatrice et n’a eu aucune incidence ou influence sur de futures mesures législatives. Aucune contrepartie n’était attendue de moi autre que ma contribution professionnelle aux délibérations.
[Traduction]
Outre de strictes exceptions valables, je pense que les voyages parrainés, dans leur forme actuelle, ne conviennent pas au Sénat contemporain. La modernisation n’est pas un processus qui se limite au temps de parole, aux sonneries ou aux groupes parlementaires reconnus. Elle s’applique également à notre code d’éthique et à nos normes. Je dirais même que c’est plus important pour les Canadiens que la façon dont nous organisons nos travaux.
Au cours des dernières années, le Sénat a été propulsé dans une nouvelle ère de modernité. La gestion éthique et appropriée des voyages parrainés est une étape de plus de cette modernisation. La motion propose une mesure concrète et facilement réalisable par la volonté du Sénat.
En raison des nombreux avantages, des éloges et des distractions offerts aux sénateurs, il peut être facile d’oublier ce pour quoi nous sommes réellement nommés au Sénat. Notre rôle premier est d’étudier les projets de loi et de voter sur ces derniers. Pour ce faire, nous devons être présents au Sénat et participer aux débats, tout en examinant les mesures législatives et les politiques publiques en comité. Ces tâches doivent toujours avoir priorité sur les voyages parlementaires internationaux, malgré la grande pertinence des voyages officiels auxquels nous sommes invités pour contribuer à la diplomatie parlementaire dans le cadre de notre appartenance à l’une des 12 associations parlementaires reconnues ou à l’un des 4 groupes interparlementaires.
Si nous adoptons cette motion, le Sénat du Canada ne sera pas la seule institution parlementaire à se pencher sur cette question. En effet, en décembre 2023, le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes a adopté une motion demandant la fin des voyages parrainés. Cette motion devrait être débattue au Bureau de régie interne à l’automne. La proposition a été applaudie par la commissaire au lobbying fédérale ainsi que par les organismes de surveillance parlementaire.
Nous nous intéressons également à un rapport que Transparency International a publié en 2018 et qui s’intitule « In Whose Interest? Analysing how corrupt and repressive regimes seek influence and legitimacy through engagement with UK Parliamentarians ». On y analyse la manière dont les régimes corrompus et répressifs cherchent à obtenir influence et légitimité en nouant des relations avec les parlementaires britanniques.
Voici un extrait de ce rapport :
Il est impératif que lorsque les parlementaires entreprennent des missions à l’étranger, leur indépendance soit incontestable. À l’heure actuelle, il existe un risque évident que les voyages à l’étranger parrainés directement ou indirectement par des régimes corrompus et répressifs donnent l’impression — à tort ou à raison — que les décisions et les actes des parlementaires sont influencés par les intentions malveillantes de leurs hôtes, ce qui pourrait également constituer un délit de corruption.
Cette observation a été réitérée dans une autre note de Transparency International publiée en mars 2024 :
Il existe une lacune dans la loi qui permet aux gouvernements étrangers — y compris ceux qui ont des intentions hostiles ou malveillantes — de s’attirer les faveurs des politiciens britanniques en finançant des visites à l’étranger [...]
Le Parlement britannique n’a pas encore pris de décision à ce sujet.
À ce titre, le Sénat du Canada a l’occasion de devenir un modèle à suivre et un pionnier. Je crois que nous devrions saisir cette occasion.
Sur un sujet légèrement différent, mais connexe, la question des voyages parrainés soulève également des questions quant à notre relation avec le lobbying et au caractère permissif de nos lois régissant le lobbying. Je crois également que c’est une question sur laquelle le Sénat doit se pencher, d’autant plus que, depuis 2016, le lobbying auprès des sénateurs a considérablement augmenté en raison de notre nouvelle indépendance. Cela dit, c’est un débat pour un autre jour.
En conclusion, chers collègues, si cette motion est adoptée, le Comité sénatorial permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs aura le mandat de proposer des modifications au code afin de réglementer tous les aspects liés aux voyages parrainés et de présenter ces suggestions au plus tard le 31 mars 2025. Je vous rappelle que ce comité n’est pas dissous lorsqu’un Parlement est dissous.
Je me fierai à l’expertise des membres du comité pour obtenir les réponses à ces questions et déterminer la marche à suivre à l’avenir. À mon avis, il est clair que les risques d’accepter des voyages parrainés par des États étrangers — directement ou par procuration — nuisent à notre réputation et que ces voyages devraient être bannis des pratiques du Sénat.
[Français]
En matière d’ingérence étrangère, beaucoup d’éléments échappent à notre contrôle. Cependant, la restriction des voyages parrainés est une action concrète, entièrement de notre ressort. C’est une action que nous devrions prendre sans délai, considérant l’environnement actuel, en adoptant cette motion.
Je suggère aussi que d’ici l’examen de notre Comité sénatorial permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs et l’adoption de son rapport, nous convenions d’un moratoire sur l’acceptation de tels voyages parrainés. J’en appelle ainsi à la réserve de chaque sénateur et de chaque sénatrice.
Ce serait tout en notre honneur.
Je n’ai aucun doute que les Canadiens apprécieraient notre retenue en la matière.
Merci, meegwetch.
[Traduction]
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Downe, avez-vous une question?
L’honorable Percy E. Downe : Oui. La sénatrice Saint-Germain accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Saint-Germain : Avec plaisir, monsieur le sénateur.
Le sénateur Downe : Je vous remercie, sénatrice Saint-Germain, d’avoir soulevé cette importante question. Si j’ai bien compris, vous avez fait valoir que peu importe ce que font les autres pays... Vous avez parlé du Groupe des cinq et d’ingérence étrangère au début de votre discours. Tous les autres pays du Groupe des cinq permettent en ce moment les voyages parrainés.
Cela dit, vous nous incitez à être des pionniers. Vous avez mentionné des voyages auxquels vous avez participé et qui étaient autorisés selon les règles encadrant les voyages parrainés. Or, les temps changent, et la question est la suivante : devrions-nous agir le plus tôt possible dans ce dossier?
(1830)
Ce n’est pas tant l’ingérence étrangère dans le changement d’opinion qui me préoccupe, car les gens ici ont beaucoup d’expérience. C’est la perception du public concernant les voyages parrainés qui me préoccupe.
C’est pourquoi je me demande si nous ne devrions pas revenir au système que nous avions auparavant au Sénat. Le Groupe des cinq permet actuellement les voyages parrainés. Ils permettent également aux parlementaires de voyager à l’étranger aux frais de leur parlement. Le Sénat permettait cela aussi avant, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Devrions-nous rétablir cette pratique afin que les sénateurs puissent acquérir de l’expérience et élargir leurs horizons en matière d’affaires internationales? À l’exception du sénateur Peter Boehm et de quelques autres sénateurs, la plupart d’entre nous ont travaillé au niveau provincial et national, mais très peu d’entre nous l’ont fait au niveau international. Je pense que cela produirait de meilleurs sénateurs.
Pensez-vous que le Sénat aurait également dû financer les voyages internationaux? Là encore, le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration devait donner son accord. Vous ne pouviez pas aller n’importe où, il fallait justifier vos voyages, mais ils étaient financés par le Sénat à partir de votre propre budget.
La sénatrice Saint-Germain : Merci, sénateur Downe, pour votre question et vos commentaires, et pour avoir souligné le fait qu’en ce moment, les voyages parrainés sont autorisés et que je n’ai pas pointé qui que ce soit du doigt. Ce n’est pas mon intention, car c’est permis. Comme vous l’avez dit, les temps ont changé.
Pour répondre à ce que vous avez notamment dit concernant les pays du Groupe des cinq et d’autres pays, beaucoup remettent actuellement en question l’idée d’autoriser les parlementaires à voyager par déplacement parrainé. De nombreux autres sont encore plus stricts que le Canada au sujet de l’obtention d’une permission et de l’assurance qu’il n’y a aucune possibilité de conflit de loyauté ou de quoi que ce soit d’autre. Je songe à la France, un pays qui a un code d’éthique très strict. Il serait encore plus difficile pour un parlementaire français de voyager dans ces conditions précises, même si c’est permis.
Le cas échéant, je consulterais aussi le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, qui pourrait établir des critères, des restrictions ou même des exceptions à des interdictions.
En ce qui concerne ce que vous avez dit sur la diplomatie parlementaire, et j’en ai parlé, les deux Chambres du Parlement ont actuellement accès à des voyages parlementaires. Comme vous l’avez vu, au cours de la dernière année, 83 sénateurs ont participé à des voyages parlementaires. Je crois que ces voyages sont plus ciblés et pertinents pour notre travail en tant que parlementaires. Nous ne sommes pas des diplomates, nous ne sommes pas des députés et nous ne sommes pas responsables, d’abord et avant tout, de la politique étrangère du gouvernement, bien que nous y contribuions.
Vous n’avez pas utilisé ce mot, mais je vais le faire à votre place : je peux comprendre la frustration de certains collègues qui, parce qu’ils sont membres d’un plus petit groupe, ont moins d’occasions de se déplacer que d’autres. Je dirais que, même avec la répartition proportionnelle, nous avons tous moins d’occasions de nous déplacer que nous ne le souhaiterions. Ce qu’il faut véritablement, la bonne chose à faire, c’est d’arriver à trouver une façon juste et équitable d’avoir davantage de parlementaires qui maîtrisent l’analyse comparative, la saine gestion et les bonnes pratiques des autres pays, afin d’établir une coopération fructueuse en mettant à profit notre expertise et en en apprenant à leur contact sur la gouvernance, la démocratie, les droits de la personne ou quoi que ce soit qui nous concerne.
Sur ce, je suis d’accord avec vous pour dire que nous devrions nous pencher de nouveau sur le Sénat afin de déterminer ce qui pourrait être amélioré et quelle seraient les solutions les plus judicieuses à l’égard de la diplomatie parlementaire.
Finalement, même si ce n’est pas ce que vous avez dit, je ne suis pas d’accord pour dire que nous devrions accepter de faire des voyages parrainés, même si nous n’avons autant d’occasions que nous le voudrions en matière de diplomatie parlementaire.
Je vous remercie encore une fois de la question.
Le sénateur Downe : Merci de votre réponse, sénatrice Saint-Germain.
J’aimerais ouvrir une courte parenthèse : au bout du compte, si la recommandation consiste à interdire les voyages parrainés, je pense qu’il faudrait aussi les interdire à l’intérieur du Canada. Ce sont les mêmes principes qui s’appliquent. Qui finance ces voyages et pourquoi? Certains pourraient les financer pour de bonnes raisons, alors que d’autres organismes pourraient être des façades qui agissent au nom d’un tiers. Si nous voulons interdire ces voyages, alors interdisons-les.
Pour revenir à mon argument principal, l’interdiction créerait un vide. Tous les autres parlements des pays du Groupe des cinq prévoient des fonds pour la participation à des séances internationales. Encore une fois, il faut comparaître devant le comité concerné — dans notre cas, c’est le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration — pour motiver sa demande. S’est-on déjà exprimé sur le sujet en question? A-t-on un rôle à cette occasion? Il faut justifier le voyage. Les dépenses sont publiées. Elles sont imputées au budget du parlementaire, le cas échéant.
C’est ce qui se faisait auparavant, et si nous mettons fin aux voyages parrainés, nous devrions revenir à cette façon de procéder.
Voici un exemple personnel. Il y a quelques années, j’ai eu la surprise d’être élu vice-président du Réseau parlementaire sur la Banque mondiale et le FMI. J’étais le seul Nord-Américain parmi les vice-présidents. Le siège social est à Paris. Mes collègues du monde entier, y compris ceux du Maroc et des autres pays où il y a des vice-présidents, allaient à Paris pour les réunions. Pour pouvoir m’y rendre, j’ai dû payer moi-même le voyage, puisque je n’avais aucune façon de faire ce déplacement en ma qualité de sénateur. Voilà une lacune qu’il faudrait combler, selon moi. Je le répète, il ne s’agit pas de demander du financement supplémentaire; les fonds nécessaires doivent déjà figurer dans le budget de votre bureau, sinon vous ne pouvez pas y aller.
Croyez-vous, comme moi, qu’il faudrait étudier cette question parallèlement à la motion que vous nous soumettez aujourd’hui?
La sénatrice Saint-Germain : Je vous remercie pour votre question et vos observations.
Je suis d’accord avec vous au sujet de votre premier point, concernant l’interdiction de ce genre de voyages au Canada quand ils sont parrainés par un pays étranger. J’ai vérifié : sur les 45 voyages que nous avons faits au Canada, aucun n’a été parrainé par un pays étranger ou par un mandataire d’un pays étranger. Je ferais une exception pour toutes les ambassades et tous les consulats au Canada. Ils font le travail qu’ils doivent faire, et nos diplomates font de même à l’étranger. C’est une exception.
Je suis également d’accord avec vous pour dire que nous devons examiner à nouveau s’il s’agit du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs de ce côté-ci; je ne le crois pas. Nous devons examiner à nouveau en interne ce que nous pourrions faire pour nous permettre de contribuer davantage à la diplomatie parlementaire. Je sais que la Chambre des communes cherche également d’autres moyens de s’acquitter davantage de cette responsabilité qui est la nôtre. Il ne s’agit pas de notre principale responsabilité, mais c’est l’une de nos responsabilités.
Essentiellement, voici ce que nous devrons décider : comment travailler de manière à mieux contribuer et à obtenir plus de possibilités tout en remplissant nos principales obligations au Sénat? Il y a une autre exception que je vais considérer : cette motion ne vise en aucun cas à restreindre les voyages à l’étranger des membres des comités permanents du Sénat. Il s’agit de toute évidence d’une autre question.
Le sénateur Downe : Par souci de clarté, je précise qu’il m’importe peu de savoir qui commandite les voyages au Canada. Si on interdit les voyages commandités, il faudrait refuser tout ce qui est commandité, y compris au Canada. C’est mon point de vue.
La sénatrice Saint-Germain : Je suis d’accord avec vous, mais vous aurez également remarqué que j’ai dit que nous avons un problème avec certains lobbyistes. J’irai jusqu’à dire aujourd’hui que, parfois, une invitation d’un pays étranger a pour objectif la promotion du tourisme, ce qui, de mon point de vue, n’est pas très proche d’une ingérence étrangère. Cependant, il arrive qu’un jour, un sénateur se voie offrir un voyage commandité par des personnes favorables à l’environnement et, un autre jour, un voyage commandité par des personnes favorables aux combustibles fossiles.
À mon avis, il s’agit d’une question qui, à tout le moins, pourrait compromettre la perception de notre impartialité et de notre objectivité. C’est là une autre question cruciale que nous devrions aborder, mais la motion à l’étude aujourd’hui ne vise pas ce genre de voyages commandités.
(1840)
[Français]
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Merci beaucoup pour cette motion, madame la sénatrice. Je suis totalement d’accord avec cette motion. En arrivant au Sénat il y a six ans maintenant, j’ai été frappée par ces voyages parrainés. J’ai vu dans les médias sociaux des images de sénateurs heureux en Israël et tout à coup, je me suis rendu compte qu’il s’agissait d’un voyage parrainé. Évidemment, en tant qu’ancienne journaliste, cela m’a choquée. Ce n’est pas tant le conflit d’intérêts réel qui m’a choquée, mais l’apparence de conflit d’intérêts, et c’est quelque chose qui demeure dans l’esprit des gens. On ne peut pas faire disparaître cela.
Il n’y aura probablement pas de décision en matière de politique étrangère qui sera prise dans cette Chambre. Cela dit, quand j’ai fait ces interventions, j’ai présenté un témoignage au Comité sur l’éthique, et ce n’est pas si simple de distinguer ce qui est un voyage parrainé indirectement par une puissance étrangère ou non. Ce que vous appelez les proxys, ceux qui organisent tout cela, peuvent être bien dissimulés; il peut y avoir, à la limite, des universités qui contribuent et qui travaillent pour le gouvernement, mais on ne le sait pas. La question est donc de savoir comment déterminer ce qui est vraiment commandité par des États et ce qui ne l’est pas, et il faudra pratiquement mener des enquêtes pour en décider.
La sénatrice Saint-Germain : Je tiens à signaler que vous avez nommé un pays, madame la sénatrice, et que je n’en ai nommé aucun, et c’est parfaitement légitime pour les pays de tenter de le faire. De plus, quel que soit le pays, la considération n’est pas de ce côté. Vous dites également que ce n’est d’abord pas une question de conflit d’intérêts que d’accepter ces voyages, mais plutôt une question de perception de conflit d’intérêts; personnellement, je crois qu’il y a souvent des situations de conflit d’intérêts. Lorsqu’on voit un sénateur faire une déclaration en faveur de tel pays ou sur telle situation, il y a un problème. On est même allé jusqu’à voir un projet de loi présenté après un voyage commandité; je crois quand même que cela peut aller plus loin, effectivement. Votre question porte sur la meilleure façon de s’assurer de l’identité du véritable commanditaire.
Il y a plusieurs sources officielles de renseignements, dont l’Economist Intelligence Unit, et lorsqu’on examine le programme, on voit la nature des contacts et les personnes rencontrées. Même quand on fait certaines recherches, les proxys sont très souvent faciles à détecter, parce que l’on connaît leurs sources de financement et leurs prises de position. Je ne dis pas que c’est facile dans tous les cas, mais ce l’est très souvent.
[Traduction]
L’honorable Denise Batters : Ce qui me dérange le plus dans la motion, ce sont les règles qui me semblent lacunaires en ce qui concerne l’étude du Comité sur l’éthique.
Sénatrice Saint-Germain, votre motion de décembre 2023 au sujet de la question de privilège se terminait par un libellé presque identique. Vous vouliez également renvoyer la question au Comité sur l’éthique et le libellé de votre motion était le suivant :
Que, nonobstant toute disposition du Règlement, lorsque le comité traite de cette affaire :
1. le comité soit autorisé à se réunir s’il décide de le faire;
2. un sénateur qui n’est pas membre du comité ne soit pas autorisé à être présent à moins de le faire à titre de témoin et à l’invitation du comité.
Cette fois, la motion que vous proposez se termine par les deux mêmes dispositions que je considère comme étant très problématiques au sujet du Comité sur l’éthique. Le libellé de votre motion se lit comme suit :
Que, nonobstant toute disposition du Règlement ou du code, lorsque le comité traite de cette affaire, il soit autorisé à se réunir en public s’il décide de le faire et qu’un sénateur qui n’est pas membre du comité ne soit pas autorisé à être présent à moins de le faire à titre de témoin et à l’invitation du comité [...]
C’est une copie conforme de votre motion précédente. Dans le discours que j’ai prononcé au Sénat le 7 décembre 2023, j’ai exprimé mes préoccupations sérieuses concernant ces deux dispositions lorsque j’ai affirmé ceci :
Il est choquant que ce soit même proposé par la facilitatrice du Groupe des sénateurs indépendants. C’est bien loin d’être un processus ouvert et transparent. Les réunions de comité de cette nature ne devraient pas être tenues en secret [...]
Au lieu de cela, la motion de la sénatrice Saint-Germain vise à renvoyer la question au Comité [sur] l’éthique, qui se réunit rarement en public, voire jamais. Ce manque d’ouverture et de transparence est particulièrement problématique en raison de la disposition suivante, qui interdit à tout sénateur qui n’est pas membre du Comité [sur] l’éthique d’être présent, à moins de le faire à titre de témoin et à l’invitation du comité.
Sénatrice Saint-Germain, pourquoi votre motion sur cette importante question exige-t-elle encore une fois le secret plutôt que l’ouverture et la transparence? Pourquoi voulez-vous empêcher les sénateurs qui ne sont pas membres du Comité sur l’éthique de participer ou d’assister à ces réunions ou même de les visionner? Ils pourraient peut-être contribuer à cette importante étude, voire la renforcer. Je vous rappelle que les sénateurs qui ne sont pas membres de ce comité ne pourraient ni visionner les réunions à huis clos ni même en lire la transcription.
La sénatrice Saint-Germain : Merci de votre question, sénatrice Batters. Je suis heureuse que vous conveniez que le fait d’autoriser le Comité sur l’éthique à se réunir en public est vraiment une bonne occasion à saisir et une bonne décision à prendre dans cette situation. Comme vous le savez, les membres du comité peuvent décider d’inviter à témoigner n’importe quel sénateur, et ils peuvent le faire en public avec n’importe quel sénateur ou n’importe quel groupe.
En ce qui concerne votre question relative aux sénateurs qui ne pourraient pas assister aux réunions du comité, je peux vous dire que j’ai travaillé avec le greffier, comme nous le faisons toujours pour ces motions, et que c’est ce qui a été recommandé. Je pense qu’il y a de bonnes raisons à cela.
Bref, le fait que le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, exceptionnellement dans ce cas, soit autorisé à tenir des séances publiques est, à mon avis, très positif. Rien ne l’empêchera, s’il le souhaite, d’inviter n’importe quel sénateur. De même, tout sénateur peut témoigner, s’il le souhaite, en s’adressant au comité pour lui demander de témoigner en public.
Il arrive également que le comité demande à certains sénateurs de témoigner à huis clos pour des raisons de respect de la vie privée.
Je m’en remettrai au bon jugement du comité, dont je respecte vraiment les membres. Comme vous le savez, chaque groupe est représenté à ce comité. Merci.
La sénatrice Batters : Premièrement, en ce qui concerne la question de privilège, toutes les réunions du Comité sur l’éthique — et il y en a eu plusieurs — se sont tenues à huis clos. Aucun sénateur n’a été invité à y assister. Je ne l’ai certainement pas été. Une telle décision revient uniquement au comité. Ce dernier peut décider de se réunir en public. Une personne pourra seulement assister à ses réunions si le comité l’invite, et pas en exprimant son désir d’y participer, comme je n’ai pas hésité à le faire.
Deuxièmement, dans votre discours, vous avez dit que la motion ne traiterait pas des voyages parrainés à l’intérieur du Canada. Où votre motion mentionne-t-elle l’existence d’une telle exclusion? La motion ne mentionne pas les voyages internationaux. On peut y lire ceci :
[…] concernant les voyages commandités, et […] examiner si l’acceptation par les sénateurs de voyages commandités demeure appropriée dans le contexte actuel d’ingérence étrangère, que cette commandite soit par des États étrangers ou d’autres tierces parties, y compris, mais sans s’y limiter, les entreprises, les lobbyistes ou les organisations non gouvernementales […]
Où est-il précisé dans votre motion que les voyages parrainés à l’intérieur du Canada ne seraient pas inclus?
La sénatrice Saint-Germain : Je vous remercie. En ce qui concerne votre premier point, je suis d’avis que le Comité sur l’éthique a le droit de gérer ses travaux avec la même autonomie que les autres comités sénatoriaux permanents. Je laisse aux membres très avisés et professionnels du comité le soin d’organiser leurs travaux et de décider s’ils doivent tenir des audiences publiques dans ce cas et si oui, à quel moment.
Vous avez raison : la motion concerne les voyages internationaux parrainés par des entités étrangères. Il pourrait peut-être arriver que des entités étrangères parrainent des voyages à l’intérieur du Canada, mais je n’ai trouvé aucun exemple de ce genre quand j’ai consulté, sur le site Web du conseiller sénatorial en éthique, la liste de tous les voyages parrainés au cours des 10 dernières années, du moins ceux qui n’ont pas été supprimés du site. Si nous découvrons une situation de ce genre un jour, elle sera décidément couverte par la motion à l’étude. Cela demeure théorique parce que, en réalité, il n’y a pas de voyages à l’intérieur du Canada parrainés par des États étrangers.
(1850)
La sénatrice Batters : Je voulais signaler la nécessité, selon moi, d’amender la motion, car elle dit : « [...] par des États étrangers ou d’autres tierces parties, y compris [...] » Je ne crois pas que votre formulation soit précise à cet égard.
La sénatrice Saint-Germain : J’ai mentionné les mandataires, les partenaires ou les associés maintes fois dans mon discours, alors c’est à eux que cette partie renvoie. Je parle des voyages parrainés directement ou indirectement par un État étranger ou un mandataire manifestement associé à un État étranger.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Les travaux du Sénat
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-13(2) du Règlement, je propose :
Que la séance soit maintenant levée.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(À 18 h 51, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)